« Mon cher ami, mavait-il dit, vous verrez, les Relations humaines connaîtront un développement considérable ; les nerfs des grandes entreprise sont beaucoup trop tendus. »
Ces lignes ont été publiées en 1974, alors que France Télécom, loin dêtre orange, nétait pas encore passée au bleu et était une division du ministère des PTT. Les suicides y alors moins nombreux, ou alors moins médiatisés.
Je nai lu le livre quen 1989 et javais déjà vu le film avec Jean Yanne. Jaimerais le revoir. Je ne pense pas lavoir revu depuis que jai lu le livre.
Sur son blog, lauteur reprend la préface quil a écrite pour la traduction de son livre en chinois en 1997 :
« Que se passe-t-il dans ce livre ? Une entreprise multinationale mythique, cest à dire plus puissante encore que les plus grandes entreprises multinationales existantes, dont les cadres et les dirigeants sont encore meilleurs et plus » performants » que ceux qui sont à loeuvre dans la réalité daujourdhui, dont les produits sont encore plus parfaits et mieux vendus, eh bien voici que cette entreprise multinationale » américaine et géante » où, à priori, » tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes » va soudain connaître des troubles mortels dun ennemi inconnu et que personne nattendait : l Imprécateur.
Un matin, les collaborateurs de cette entreprise en arrivant leur travail trouvent tous sur leur bureau un rouleau de papier qui va soulever plusieurs problèmes.
Qui a distribué ce rouleau pendant la nuit ? Comment a-t-on pu distribuer ces rouleaux sans être vu par le personnel de sécurité ? Que signifie tout cela ? Le mystère saggrave quand on lit ce qui est écrit sur ces rouleaux. Telle est lanomalie qui va déclencher les troubles et finalement dérégler puis détruire cette merveilleuse organisation économique quest lentreprise en question. »
Je ne dirai pas jusquà dire que ce roman ma inspiré une certaine façon dagit-prop puisque je la pratiquais déjà. Mais je peux dire quelle ma conforté dans cette pratique. Le ton des pamphlets de limprécateur me rappelait un celui du VERIDIQUE RAPPORT SUR LES DERNIERES CHANCES DE SAUVER LE CAPITALISME EN ITALIE (1975).
De plus, javais lu parallèlement au roman LE NOUVEL ETAT INDUSTRIEL de Galbraith. Javais alors écrit à Pilhes pour lui pour lui faire part de mon intérêt pour son livre et lui poser deux questions :
1) si, à lépoque où il écrivait son roman, il connaissait déjà les situationnistes ou sil ne les avait découverts que plus tard, à loccasion de la publication du VERIDIQUE RAPPORT (en 1975 en Italie et traduit en français en 1976) ?
2) si les jeux de scouts auxquels il livre ses personnages nont pas trouvé leur réalisation pratique dans les jeux de cons auxquels se livrent les cadres depuis les années 80 (paint-ball, saut à lélastique, jeux de rôle
) ?
Jai retrouvé sa réponse dans mes anarchives. Jai toujours autant de mal à déchiffrer son écriture. Il me dit avoir lu les situationnistes après et me renvoie à son dernier livre, LA MEDIATRICE (1989), pour les jeux de cons.
Jai tardé à suivre son conseil et ne lai lu quen 2006.
Si vous navez pas lu livre, vous souvenez peut-être du film réalisé par Jean-Louis Bertucelli en 1977. Jean Yanne y campe un directeur des relations humaines (on ne disait pas encore ressources). Michel Piccoli, Jean-Pierre Marielle, Jean-Claude Brialy et Michael Lonsdale, une brochette de cadres dirigeants qui se dirigent vers leur(s) fin(s).
Quelques scènes, dialogues ou propos que je retranscris du livre :
« -De quoi est-il mort au juste ? questionna Portal.
- Tempe droite enfoncée
collision avec un camion Sotanel.
- Sotanel ? dit Brignon, bonne boîte, jy ai un copain de promotion
Six mille francs par mois
Cest le quatrième fabricant français de poids lourds. »
« Le management consiste à dépouiller le plus possible les plans, les chiffres, les organisations, les transactions, en somme toutes les décisions imaginables, de leurs facteurs émotionnels. »
- « Quest-ce que cest ?
- Ma foi, je nen sais rien, je trouve ça plutôt comique, pas vous ?
- Ah non ! je ne vois pas ce quil y a de comique là-dedans ! les syndicats seront furieux !
- Les syndicats ?
- Oui ! On leur raconte que les dirigeants savent tout et que le personnel ne sait rien !
- Je naurais pas songé à ça, dis-je sincère ; jaurais plutôt pensé que ce texte se moquait de M. Saint Ramé en caricaturant ses connaissances.
- Je ne crois pas
Cest vrai quil sait tout ça.
- Oui, mais cest un peu simpliste
Il sait tout ça et beaucoup dautre chose.
- Cest exactement ce qui est écrit dans ce texte, qui nest quun début
On sapercevra que, pour diriger une entreprise, il faut savoir de plus en plus de choses difficiles.
- Mais enfin, madame Dormun, la façon dont ces choses sont dites est si rudimentaires
- Mais non ! je suis sûre que les gens apprendront un tas de notions quils ignoraient ou quils croyaient savoir. »
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