Imaginez un maison large et belle de plain pied, l'avant-dernière d'un hameau, après c'était les champs,les bois et les marais.
C'était notre maison, devant une route, derrière un jardin et une rivière.
J'étais partie avec mon frère et mon cousin, les parents (et le chien) devant arriver le lendemain.
On arrive dans l'après-midi, le temps s'écoule cool et puis en début de soirée, le frère un peu gêné « bon écoute, on va à une soirée »
«sympa et moi je deviens quoi ? »
« t'inquiète on ferme tout tout bien ça se passera bien »
Ouais, vite dit, les félons partis, j'allume la radio, elle s'éteint de suite, ça démarre très très fort.......
On venait de l'acheter, pas le temps de l'apprivoiser de poser mes marques. Je sens une torsion acide dans mon estomac.
Je décide de foncer dans mon lit au 1er, dans cette maison inhabitée depuis des lustres, et c'est là que tous les monstres de la création se sont donné rendez-vous exprès pour moi, déjà planquées dans les poutres, les araignées grosses comme mon poing préparent leur raid aérien.
Chuintement de je ne sais quoi contre le mur, craquement dans la chambre d'à-côté.
Je suis aux aguets, la maison me semble immense pleine de recoins inconnus, elle était nôtre depuis peu et je m'y sentais intruse tout juste tolérée.
J'aurais du prendre un bouquin mais pour ça me faut descendre l'escalier dans le noir, pas question !
Côté cour, j'entends des pas, ou des bruits de pattes, les lapins sont pas aussi cons même en phase terminale de myxomatose pour s'approcher aussi près des maisons. Hérisson peut-être......
J'avais jamais réalisé à quel point une nuit pouvait être longue. Je me dis aussi que je dors peut être dans le coin où est mort le propriétaire, pas rassurant.
Soudain un son inhabituel, les branches du noyer fouettent la gouttière, ça donne un son de cloche tibétaine, ça m'apaise un peu...... je suis en pleine période 3e oeil, voyage dans l'astral et tout et tout. Je me raccroche à ce bruit rassurant et me dit que si je me mets à léviter au-dessus de mon lit............. nan pense à otchose ma fille.
Curieusement le seul bruit qui me rassure c'est la cavalcade des rats dans le grenier, j'en avais vu un une fois, plus gros qu'un chat, grimper le long du mur, j'avais voulu l'apprivoiser, sans succès.
Re bruit de pas devant la maison, pas ou pattes? J'essaie d'oublier de penser à quelque chose de joli ou de chiant n'importe quoi qui me détourne de cette terreur qui me bouffe le foie à la louche, et ça marche du feu de dieu..................je pense à l'histoire qui courrait dans le coin d'une famille massacrée à quelques km de là................. je suis bonne pour me pisser dessus de trouille passque pour aller au wawa c'est dehors, dans ce hameau quasi vidé de ses habitants.
Y'avait vraiment que nous Parisiens loufoques pour aller s'enfouir dans un hameau qui ne figurait sur aucune carte !
Un volet claque côté jardin, z'ont oublié les volets du jardin et le jardin n'est pas clôturé, chez nous on aime ni les cages ni les clôtures, en fait on l'a clôturé que pour emmerder les chasseurs et les pêcheurs mais c'était longtemps après cette nuit de terreur.
Et je me mets à penser à cette couleuvre grosse comme un boa qu'on a trouvé près de la cheminée, elle s'était nichée dans le creux d'une bûche ! Ca grimpe les escaliers un serpent.......... de l'agréable qu'on te dit, de l'agréable
.....
Arrivée à ce stade je bouffe l'oreiller de trouille, de haine, tu parles de frangins qui font rempart dès qu'un garçon me regarde et me laisse crever dans cte baraque que j'aime pas et qui me le rend bien, je crois voir sur chaque mur, la haine tracée en lettres de sang.
Je maudis mon frère, je vais lui fracasser ses disques à coup de marteau, dire à la chérie du cousin qu'il a une autre copine, j'en peux plus vraiment plus et aucun point de repère pour me dire si oui ou non le putain de jour va se lever, côté route les volets sont bien clos, rien ne filtre que les bruits.
De temps à autres, je sombre et me réveille aussitôt, ce que j'aimerais entendre papa ronfler, mon insomniaque maman tourner les pages de son livre. Avoir le chien à mes pieds.
La c'est sûr, c'est des pas, on tourne la poignée, le cur saute si fort qu'il se retrouve à côté de mon cerveau en copeaux « bon dieu mais ouvre c'est nous, c'est nous gueulent les félons» un bond et j'ouvre la porte.
Frère et cousin hilares« ça c'est bien passé ? » Peut pas répondre, je les regarde l'un et l'autre façon exorciste, le regard fixe, sans un mot.
Vlan, le frangin qui prend peur me colle une gifle ! Non seulement je me paie une nuit en enfer mais en plus on me colle une beigne.
Et j'ai ce trait de génie « ils arrivent à quelle heure les parents » mon frère blêmit « tu vas rien dire hein »
Ma seule réponse « j'ai faim » il m'ont préparé un déjeuner de rêve « et mon vélo est en panne, tu me prêteras ton solex »
Ils ont dit oui à tout. Suis devenue maître-chanteuse le temps d'une nuit de terreur.
Et puis les parents sont arrivés « ça c'est bien passé les enfants » le frère une prière dans les yeux, le père au regard inquisiteur je m'entends répondre « oui oui ». Puis chacun part vaquer à ce qu'il aime faire, Maman dans son jardin,
Papa à la bricole, ce week-end il a ramené un sac de montres en panne, on va les démonter et ce sera bien le diable si sur le tas, il arrive pas à en faire fonctionner une ! Il était pour moi comme un mélange d'Einstein et Géo Trouvetout !
Je le suis, j'ai pas mon pareil pour trouver les vis sauteuses, trouver l'outil qui va bien. Il en profite « dis donc Fifille qu'est ce qui s'est passé » Silence, je me concentre sur les vis sauteuses.
Papa a trouvé très étrange cette nouvelle paix, plus de bagarre au tournevis, j'emprunte le solex sacré tandis que le frangin répare mon vélo, c'est pas le style de la maison, en plus, plus de bagarre pour la musique, je fais jouer les Beatles en plein tandis que Mike bouffe ses pierres !
« Quoi que ce soit, tu les as bien eu» je souris à cet homme qui sait tout avant de savoir
Ce chantage n'était finalement plus si drôle, avoir tout ce qu'on veut sans lutter, ça me va pas bien.
On a repris nos bagarres rituelles, Beatles contre Rolling Stones............ sucre dans le réservoir du solex
.........insultes, coups vaches, coups tordus..........
Moins de six mois plus tard, j'ai usé de toutes les ruses, ourdi tous les complots pour rester seule que ce soit dans cette maison ou dans notre appartement parisien, jouissant jusqu'à l'ivresse de ma solitude sans frein ni limite.
Ah la porte qui claque sur un brouhaha qui se dégonfle comme un ballon, le silence, tracer mes frontières à moi, prendre possession des lieux sans concessions aucune, quel bonheur.
**************
Dans une poignée d'heures, il me faudra grandir encore, le jour va se lever, me faut aller au devant d'un nouveau soleil, mettre un terme à une terreur qui n'a rien de campagnard.
Personne pour frapper à la porte, c'est à moi de l'ouvrir et d'y aller......... seule... comme toujours
J'y vais !!
↧