L'émission Arrêt sur Image de cette semaine (30/10/10) avait pour thème "A l'étranger, une certaine admiration !" à propos du mouvement social français. Plusieurs journalistes étrangers (Suedois, Allemande et Espagnol) invités sur le plateau ont évoqué une admiration de leur concitoyens pour le mouvement social français tant pour sa durée, son homogénéité, sa cohérence et sa légitimité. Ces éloges étrangers ont provoqué un certain enthousiasme pour le "Grand Soir" dans les commentaires internet suite à cette émission. Selon les commentateurs, ce "Grand Soir" viendrait des banlieues défavorisées qui en seraient le point de départ et qui propageraient leur énergie révolutionnaire. L'un des commentateurs à même écrit : « le peuple souffre, le jour où il commencera à avoir faim le raz-de-marée aura lieu, et les banlieues en seront le point de départ, que les nantis qui n'ont pas encore compris l'état de frustration et de colère qui se répand dans la France, en profite encore un petit peu, car cela va être d'une rare violence.»
Ah comme on voudrait bien ! Surtout en ce moment : tout péter ! Planque ton cul Sarko on va débouler rue du Faubourg Saint Honoré dans la demeure que tu occupes par usurpation !
Bon, ça y est on s'est défoulé, ça fait du bien. Cela dit, les banlieues "chaudes" point de départ révolutionnaire, on disait déjà cela il y a vingt cinq ans. A l'époque, en 1984-85, j'allais au lycée à Evry dans l'Essonne tout près de la cité des Pyramides. Régulièrement il y avait des affrontements entre les jeunes de cette cité et des jeunes de la cité des Tarterêts de Corbeil-Essonne, ville avoisinante ou ceux de la cité de la Grande Borne de Grigny, ville également voisine. Ca se passait souvent dans le centre commercial Evry2 mitoyen à la cité des Pyramides. J'étais même dans ce centre commercial quand un jeune a été tué par balle par un autre jeune près de la patinoire. S'en était suivi une mini flambée de violence contre la police qui était alors intervenue, il y avait eu du saccage, ça y allait à la barre de fer et aux battes de base ball. Nous étions à l'opposé du centre commercial et on nous avait fait évacuer les lieux. Régulièrement ces cités faisaient déjà la une des journaux qui en rajoutaient un peu sur la dramatisation et la focalisation sur les "jeunes des cités." Dans les médias des sociologues nous expliquaient qu'il y avait un gros malaise et que les banlieues déjà qualifiées de "chaudes" depuis belle lurette à l'époque exprimaient un mécontentement qui risquait de se propager au delà de leurs murs et de monter dans les couches sociales avec la même violence... Je parle de ce que j'ai vécu mais je ne serais pas surpris qu'on me dise qu'il en était de même dans les années 75 après le choc pétrolier de 73.
Non, la violence des banlieues dites "chaudes" ou plus exactement en souffrance a été contenue en leur sein et n'est jamais sortie de leurs murs. Pour qu'elles soient le déclencheur de quelque chose, il faudrait une empathie entre la classe moyenne et ceux qui souffrent dans ces banlieues. Or cette empathie n'existe pas car la classe moyenne qui voit son pouvoir d'achat diminuer n'a pas faim des mêmes choses que ceux qui n'arrivent pas à payer leur loyer, les assiettes ne sont pas les mêmes non plus. Ceux de ces banlieues ont le sentiment de n'avoir rien à perdre tandis que la classe moyenne a toujours beaucoup à perdre même si on lui retire la moitié de ce qu'elle possède. La révolte n'a pas la même source et n'est pas pensée de la même manière, il n'y a pas de fil conducteur, il n'y a donc pas de propagation. Tant qu'il aura une distance aussi importante entre les sources des problèmes de chacun, le pouvoir est tranquille. Un petit coup de pouvoir à une pseudo-gauche et les bobos ainsi que toute cette classe moyenne rentreront dans le rang pour dix nouvelles années pendant que les banlieues "chaudes" continueront à crever.
Le Grand Soir n'est pas pour demain... mais bon, peut-être qu'y croire permet de ne pas relâcher notre vigilance, de continuer à regarder et de nous indigner pour forcer les changements par le pouvoir de la rue. C'est cette capacité typiquement française que semblent "admirer" nos voisins. Pourvu que cette capacité dure. Pourvu que je me trompe et que personne ne rentra le rang même si la pseudo-gauche arrivait au pouvoir.
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