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un jour elle le tuerait par Annaconte

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C'était Samedi soir. La maison illuminée. Les petits lampions de couleurs pour signaler le chemin à travers le jardin. Les voitures garées en désordre, glacées sous la clarté de la lune. Du monde. Soir de fête. La musique par flots, hachée parfois par des cris ou des rires de femmes. Parfois un couple échappé par une porte disparaissait dans l'ombre des arbres...Une robe blanche éclaboussait la terrasse, avant de s'évanouir derrière un rideau. Derrière les fenêtres, ballet d' ombres chinoises . On donnait bal. Bal dans la maison d'à côté. D'en face plus exactement. Debout sur son balcon, les pieds nus et en peignoir Mathilde regardait. Elle regardait la maison d'en face. Elle connaîssait par coeur les sinuosités de l'allée du jardin. Les marches de la terrasse. Le claquement de la porte d'entrée. La fenêtre ouverte du salon. Elle connaissait la disposition des meubles et la couleur des tentures. Le nombre de chambres. Les livres de la bibliothèque. Le piano blanc. Les gravures aux murs. Les odeurs de la cuisine. Elle connaissait chaque recoin de la maison d'en face. C'était une maison familière. Mathilde allait faire du repassage une fois par semaine dans la maison familière. C'était un travail facile, propre et bien payé. Cela arrondissait son mois. Et finançait un peu ses études. Elle avait les clefs . Elle ne croisait jamais personne. Enfin presque. Elle le croisait , Lui. Il avait pris l'habitude de revenir chez lui, sous un prétexte futile, et de s'asseoir derrière elle, dans la cuisine, alors qu'elle s'occupait du linge. Elle sentait son regard dans son dos, sur ses courbes, sur ses jambes. Elle bougeait lentement, se penchait sur sa table, et cambrait les reins. Elle savait ce qu'elle faisait. Et elle le faisait bien. Mine de rien. Elle ne lui offrait que son dos. Ses hanches. Ses chevilles. Sa démarche chaloupée. Elle collait son ventre à la planche où s'étalait une chemise blanche, propre et parfumée. Une de ses chemises à Lui. Un jour, il se leva. Elle arrêta de respirer quand il se plaqua contre elle. Elle ne se retourna pas. Il ne le lui demanda pas. Elle ne se retourna jamais. Cela se passait en silence. En pleine lumière. Jamais leurs regards ne se croisèrent. Cela dura des mois. Une année. Une autre année. On aurait dit qu'elle aimait ça. Cela durait encore. Le Samedi, il y avait souvent fête à la maison d'en face. C'étaient des fêtes qui ne s'achevaient qu'au petit jour. On trouvait des couples enlacés nus au bord de la piscine ou au fond d'une voiture. Des verres et des bouteilles au pied des escaliers. La musique l'empêchait de trouver le sommeil et Mathilde restait des heures debout dans la nuit à regarder de loin ce spectacle joyeux. Elle appréhendait les samedis. Elle se mit à les détester. A le détester Lui. Elle finit par le haïr. Et se dit qu'un jour elle le tuerait.

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