A ce jour, je suis seule à avoir sélectionné "Mulberry Street" sur PCC. Il est temps pour moi de convertir les masses au film de zombie en général par l'exposition de trois raisons implacables.
Je précise pour les puristes que je mélangerai ici "zombies" et "infectés". Ce qui compte, c'est la confrontation entre un groupe de survivants et une foule dont les actions ne sont plus guidées que par une rage meurtrière et décérébrée. La raison de l'épidémie est toujours débile et balayée d'un revers de main scénaristique (c'est un rayon cosmique, c'est un virus...), ou même carrément absente, car en réalité on s'en fout complètement.
Alors, pourquoi faut-il regarder des films de zombies ?
1) Parce que regarder un film de zombies donne de l'espoir, et que l'espoir fait vivre.
Dans ma vie, j'ai connu trois choses qui se rangeaient spontanément dans la catégorie "N'IMPORTE QUOI N'IMPORTE QUOI AARGH" : les matches de football à Lens le samedi après-midi, la rue de Béthune à Lille le samedi après-midi ou pendant la braderie, le métro ligne 13 à Paris en fin d'après-midi.
Ce qu'on se dit dans ces moments-là, c'est : les gens sont trop nombreux. Malsainement, absurdement nombreux ; il n'y a aucune raison que la vie fonctionne de manière acceptable dans ces conditions-là. On se dit que tout irait bien mieux si la population était, disons, dix fois moindre. Mais on ne peut décemment pas souhaiter une bonne guerre ou un truc comme ça. Alors on se résigne, on se laisse sagement sardiner dans le métro, puis on rentre dans son 15m² pour écouter le voisin tousser.
Qu'est-ce qu'un film de zombies ? C'est un film a) où cette foule qui nous a fait chier toute la journée se révèle sous son véritable aspect : une masse décérébrée, inconsciente, agressive (mention spéciale au connard parisien qui s'est amusé à ouvrir sa portière de voiture exprès pour faire peur quand je le dépassais en vélo) et b) où il est désormais PERMIS et même FORTEMENT CONSEILLÉ de réduire le nombre de cette foule A GRAND COUP DE N'IMPORTE QUOI DANS LA GUEULE.
Surtout, les personnages de sales cons se font rapidement dévorer ou zombifier ; et comme ils sont un danger pour le groupe des survivants, il convient soit de les éliminer rapidement, soit de ressentir un intense soulagement au moment où ils se font éliminer.
Et là, on goûte une juste vengeance. En effet, qu'aurais-je pu faire face au connard en voiture ? M'arrêter et lui expliquer gentiment que ce n'était pas bien, que le petit plaisir qu'il a pu avoir à me faire peur était moins fort que ma peur n'était grande, et qu'il avait tort de ne prendre en compte que son propre point de vue bien qu'il s'agît de son plaisir ? Ça ne l'aurait pas intéressé et il m'aurait cassé la gueule. Foutre un coup de pied dans sa vitre ? Ç'aurait été stupide, il m'aurait cassé la gueule, et en plus j'aurais eu des ennuis. Non, sans attaque de zombies, c'est toujours le plus con qui gagne. Il nous faut donc des films de zombies pour garder l'espoir, surtout que ça ne va pas s'arranger vu ce qu'encaisse l'éducation publique ces temps-ci. (Je ne m'étendrai pas sur la métaphore politique des masses décérébrées, transparente à souhait, mais la rappeler ne fait jamais de mal).
2) Parce que le film de zombies fait de vous quelqu'un de bien.
Dans le documentaire Nightmares in Red White and Blue (2009), John Carpenter fait la remarque suivante : ceux qui se sont le plus dédiés à l'horreur (Stephen King, Romero...) sont justement les plus pacifiques, que ce soit dans leur vie personnelle ou par leurs engagements politiques, alors que les films d'horreur ont toujours été accusés (sans fondement) de rendre violent. D'après Carpenter, c'est que le fan d'horreur se sert du film pour exorciser les pulsions agressives qu'il partage avec le reste de l'humanité. En les voyant "actées" par les personnages, le spectateur les reconnaît et les observe avec recul, tandis que celui qui évite les films d'horreur devra au contraire refouler ces pulsions. Or, ce qu'on refoule par la porte revient par la fenêtre un couteau entre les dents, comme disait Freud un soir de fatigue. Regarder des zombies se faire exploser la tête, ce n'est donc absolument pas prendre un plaisir sadique à la souffrance d'autrui (contrairement aux films comme la série des Saw, où la caméra chirurgicale convoie le plus de douleur possible, les films de zombies dérapent très souvent dans l'excès et le grotesque, rendant impossible à prendre au sérieux la moindre tête tranchée à la pelle). C'est au contraire une véritable thérapie.
3) Parce que le film de zombies est utile.
Quelle est la différence entre un film de fantômes comme The Grudge (des japonais essuient la vengeance de fantômes assassinés), un film de monstre comme The Host (des coréens envoient des déchets radioactifs dans une rivière dont sort un monstre bizarre géant qui les mange), et un film de zombies-infectés comme 28 semaines plus tard (des gens devenus agressifs attaquent d'autres gens) ? C'est bien ça : le troisième est probable.
En effet, accepter l'existence des fantômes contredirait tout ce qui fonde notre compréhension du monde ; les produits radioactifs ne peuvent pas donner de super-pouvoirs aux poissons à part celui de développer un super-cancer ; mais l'idée d'une épidémie de rage n'a rien d'absurde. D'ailleurs, les parasites qui influencent l'esprit existent déjà. La toxoplasmose force les rats à aller volontairement se faire manger par les chats pour permettre au parasite de compléter son cycle vital ; chez nous, les symptômes sont presque nuls, mais les humains infectés (près de 50% de la population) ont tout de même une légère tendance à être plus agressifs que les autres, ainsi qu'à avoir des réflexes ralentis. Il suffirait donc de combiner le génome de la toxoplasmose avec le virus Ebola ou quelque chose de ce genre pour lancer une épidémie comparable à celles que l'on voit dans les films.
Les films de zombies rivalisent d'ingéniosité pour mettre leurs personnages dans des situations très diverses, la question étant toujours "Comment vont-ils réagir ?". Les scénaristes nous fournissent les fruits d'une réflexion très élaborée : stratégies de groupe, solutions improvisées, erreurs à ne pas commettre. Tout y passe. Personnellement, je prends des notes, car je ne peux pas penser à tout, et je n'aurai certainement pas leur présence d'esprit si je me retrouve dans une situation de stress.
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