Je navais déjà plus beaucoup damis, dans le coin. Mest avis que les rangs vont encore plus séclaircir à lissue de ces lignes.
Depuis quatre ans, on sest toujours tenu soigneusement à lécart des sempiternelles joutes verbales, sur fond daffrontement doctrinaire version café des sports ou bibliothèque universitaire. Pas le temps, pas lenvie, pas le lieu.
Mais le Dog est fatigué du monochrome. Il descend vingt secondes dans larène, le temps de se faire de nouveaux ennemis. Fallait bien que le démon sorte, comme disait le chanteur.
Pour ma santé mentale, je devrais déserter durgence lagora pcciste. Sans quoi, à force de lire depuis quatre ans des diatribes de plus en plus grises et routinières, je vais vraiment finir par laisser faner la rose au poing. Plus je lis la prose militante à longueur de commentaires, plus la tentation de labstention durable se fait attractive.
Lentreprise, cest les chiottes de Lucifer...
Léconomie de marché, cest caca...
La consommation, ça rend con et ça fait bobo aux ours polaires (jadore les ours polaires, mais cest un autre débat
)
Nicolas il est petit, pas beau et très très méchant
et patati et patanère
Zen avez pas marre, de temps en temps ?
« Les bons et les méchants », cest une jolie chanson de Dutronc, mais ça reste un poil simpliste.
Bien entendu, le pouvoir actuel est un concentré de vulgarité binaire.
Joe Dalton et sa bande de baltringues, de Bertrand le fayot en chef au douloureux Brice de Vice, en passant par Lefebvre et Morano, les duettistes de lélégance
toute cette clique constitue sans nul doute ce que lon a fait de pire depuis un bon paquet de décennies.
Evidemment quils sont imbuvables de suffisance et de mépris pour qui nadhère pas à leur vulgate simpliste et brutale.
Mais j'en veux surtout à ce troupeau de guignols pour une faute majeure : avoir brisé tous les tabous en matière de violence verbale et dabsence de retenue.
Désormais, par simple effet de domino, tout le monde se croit autorisé à prôner plus ou moins directement la violence, laffrontement, la haine. Une étincelle et chacun en viendra à fendre le crâne de ses semblables en cadence, convaincu de son bon droit.
Néanmoins, si jen crois certains éditorialistes sévissant ça et là, nous vivrions quelque part entre le Chili de 1974 et le Berlin de 1936
Ben voyons. On en parlera aux fantômes des stades de Santiago et aux martyrs de Treblinka, je suis certain quils approuveront le parallèle sans moufter
Cest charmant et romantique, les envies de Grand Soir.
Juste à une condition : pouvoir les vivre à distance ou par procuration.
Lhomme nest jamais très loin de sa nature animale et le dénominateur commun de tous les grands bouleversements réside dans leur capacité à la libérer, dans toute sa fureur primitive. Simple question de temps. Les plus violents, les plus frustrés
les plus bestiaux finissent toujours par prendre lascendant.
On commence avec La Fayette et Mirabeau ; on finit avec Robespierre et Fouquier-Tinville.
La Révolution de Février meurt en Octobre, pour échouer dans les mains sanguinaires de lOncle Joe. Et ainsi de suite.
Inutile de rêver : personne ne sort indemne de ce type de maelström. Surtout pas les gens paisibles, lesquels ont plutôt tendance à ramasser des gnons des deux côtés de lhystérie collective.
Alors désolé, les jeunes (et les moins jeunes, aussi) : un destin à la Docteur Jivago ou à la Monsieur Klein, ça ne ma jamais fait frétiller les gonades. Ça me collerait plutôt des envies de Tranxène à haute dose.
Je reste toujours abasourdi par la capacité des plus belles saloperies à renaître de leurs cendres. Rien du phénix là-dedans ; la bête est trop classieuse. Le terme de chiendent conviendrait mieux.
La Bête Immonde sétait déjà, contre toute attente, extirpée des poubelles de lhistoire, dans toute sa puanteur brunâtre, un soir de 1983, du côté de Dreux. On sen serait dautant mieux passés quelle ne nous a plus quittés, depuis.
Et voilà que maintenant on nous réhabilite doucement mais sûrement le délire marxiste, les kolkhozes de rêve et la vivifiante Révolution culturelle. Splendide.
Ceci étant, rien détonnant, à une époque où Salafistes et Evangélistes ne se sont jamais mieux disputé le royaume de la connerie assassine. Tout ceci procède finalement du même révélateur : tout ce qui permet de se donner bonne conscience pour détester, voire éventrer son voisin, est aujourdhui confortablement installé au hit parade des valeurs montantes. Selon que ton voisin sera blanc, noir, jaune, jouisseur ou ascète, pauvre ou riche, quil portera des Nike hors dâge ou des Weston rutilantes
ten fais pas, on te trouvera bien la doctrine idoine pour lui écraser un parpaing sur la gueule en toute bonne foi.
Puisquon en parle, la reddition piteuse dune certaine frange des soi-disant forces du progrès, censées considérer la laïcité comme une valeur indépassable, me fait simplement vomir. Je vais faire simple : on a mis des siècles à faire comprendre à nos curés quils nétaient pas les bienvenus pour nous dicter comment vivre nos vies de mortels ; ce nest surtout pas pour faire aujourdhui la moindre courbette aux obscurantistes venus dailleurs. Et je passe sur les accents volontiers maurassiens ou baressistes de sinistre mémoire, que lon voit étrangement refleurir à lautre extrémité du spectre politique, sous couvert de tiers-mondisme défraîchi.
Pour finir, une dernière salve qui fera grincer le gros des troupes : les imprécateurs de la yourte et des toilettes sèches me font bien marrer avec leurs odes à la décroissance.
Dune, il ny a pourtant pas besoin davoir fait Saint-Cyr pour comprendre que le seul espoir de sauvegarde de la planète, cest que lhomme trouve le moyen de faire plus de pognon en la préservant quen la saccageant.
Cest bien joli le rêve du retour au Jardin dEden, tous à poils à bouffer des pommes.
Mais lhomme reste un animal féroce, qui rêve avant tout de se la couler douce en chef de meute. Les apôtres de la flagellation et de la privation, pour le peu de temps quoffre un passage sur terre, ne composeront jamais quune infime minorité de lespèce. Purement stérile de lignorer. Ou alors, il faudra inviter la pilule doubli de sa propre mortalité
De deux, encore plus simplement
comment imaginer que les gesticulations de quelques millions (en comptant trèèès large) doccidentaux en mal de pénitence, pèsent dun quelconque poids face au rouleau compresseur asiatique, sevré de bien-être depuis des siècles et qui tient enfin sa revanche ?
Enfin bref, si ça tente quelquun de passer le peu de temps qui reste à jouer Saint François dAssises ou Robinson Crusoë, grand bien leur fasse
Moi, en attendant que lArmageddon final ne démarre quelque part en Iran, au Pakistan, en Corée ou ailleurs, je men vais reprendre des nouilles et une rasade de Nuits-Saint-Georges
La modération est définitivement démodée ? Tant pis, jemmerde la mode.
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