"Malgré tout le mal que l'on se donne, on a autant à manger sur un artichaut qu'on en aurait en léchant trente ou quarante timbres-poste" (auteur inconnu)
Enfin ! Ce soir, il m'emmène à notre premier dîner...
Toute à ma joie de réviser mentalement ma garde-robe, je me laisse choir brutalement sur le premier siège venu.
Je ne sais où il va m'emmener. Néanmoins, certains indices me laissent à penser que ce ne sera pas dans le fast-food du coin. D'ailleurs, si c'était le cas, je tournerais les talons.
Etant donné que je suis en train d'imaginer le scenario idéal d'une nouvelle idylle, il n'y a pas de raison que je ne crée pas le meilleur. Pourquoi rêver petit ? Ce n'est pas parce que l'on est en crise qu'il faut mettre les drapeaux du rêve en berne.
Donc, de terribles pensées m'assaillent. Comment vais-je faire si une fois assise, la coupe de champagne dans les mains, le sourire enjôleur aux lèvres, l'air un peu énamouré, brutalement des mots franchissent la barrière nébuleuse du bien-être ambiant.
Le maître d'hôtel est en train de vanter la fraîcheur INDISCUTABLE du dernier arrivage d'huîtres du Belon (ne cherchez pas : ce sont les meilleures ... si, si ). Des huîtres ?... Et comme si cela ne suffisait pas, il insiste ensuite lourdement sur la chance que nous allons avoir de déguster les deux derniers homards (bleu les homard, là aussi, on ne discute pas, c'est la quintessence).
Bon, les huîtres ont des vertus aphrodisiaques, donc avalons ! Oui, mais l'art de manger des huîtres sans condamner irrémédiablement la sensualité que vous espérez distiller, ne s'improvise pas.
Le restaurant tenant à la blancheur immaculée de ses murs, les huîtres sont apportées ouvertes. Baronne Staff, aidez-moi ... Si je me souviens bien, il faut prendre une huître dans sa main, la secouer légèrement comme de la jelly anglaise dans sa soucoupe. La porter à sa bouche, incliner la tête en arrière, entrouvrir sensuellement les lèvres et verser. Une vraie pro doit regarder son partenaire lorsque l'huître glisse hors de sa coquille, avec l'assurance que la bestiole ne lui tombera pas sur le menton. Ainsi, l'Homme, sous le charme, peut voir celle-ci tomber lentement dans la bouche (sans toucher les dents). Avaler d'un seul coup... et cela au mieux 6 fois, au pire 12 ...
Ouf ! Cependant, le plus dur reste à faire : le homard.
Je commence par retirer bagues et bracelets. Vite, je refouille mes souvenirs (lointains) de bonnes manières. Allez, go :
Regardez-le au fond des yeux et appréhendez-le comme une crevette géante -je parle du homard-. Lui retirer les deux grandes pinces en les tournant sur elles-même. Détruisez ces armes en les cassant comme des noix.
Tirez sur le corps pour le désolidariser de la queue. Retirez toute la viande que vous pouvez trouver. Si vraiment l'on adore le homard, on peut aussi fouiller pour trouver le foie, mais si le but de ce dîner est d'abord de séduire et d'être séduite, il va tout de même falloir tenir la conversation. Ce qui risque de devenir difficile dans ces conditions de fouilles extrêmes.
Re-ouf. Il ne me reste plus qu'à tremper mes doigts dans le rince-doigts. Les essuyer, remettre mes bijoux et commander le dessert.
Bon, j'ai couché tout cela sur le papier. A relire, à apprendre pour être au top le moment venu.
Maintenant, je finis ma verveine, refais soigneusement mes papillotes, pousse pépère qui s'est installé de mon côté et qui en se retournant fait allègrement tomber le verre (à pied) dans lequel trempe son dentier ...
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