Chez nous, il y a eu quelques sorcières. Ma grand mère déjà qui venait de la Basilicate savait avec les plantes sauvages préparer des onguents et des sirops aux vertus médicinales. Sa fille, ma mère, la seule italienne qui persistait à faire coller les pâtes comme personne, et qui connaissait toutes les vieilles recettes pour se garder en bonne santé, ce qui fut son cas, ignora les médecins jusqu'à la veille de sa mort. C'est ainsi qu'elle me transmit ses petits trucs et que je fus à mon tour adoubée.
En ce qui me concerne cependant, outre ces recettes traditionnelles familiales, j'ai hérité d'un don, bienvenu sans doute, en un sens, et encombrant dans un autre, car la facilité que j'ai à jeter des sorts et à prévoir les catastrophes, me classe définitivement dans la catégorie des Cassandre et des oiseaux de mauvais augure. Je ne l'ai pas fait exprès. C'est venu en naissant. Et je trimballe avec moi depuis lors une sulfureuse réputation de jeteuse d'anathèmes et de magicienne maléfique.
Je marche sur des oeufs le plus souvent, rasant les murs et me faisait toute petite, car dès que surviennent une mauvaise nouvelle, une panne d'horlogerie, un raté dans la mécanique, un court-circuit, une chute de pierres, ou un événement particulièrement inattendu et forcément pas très comique, les regards de mes proches se tournent vers moi, suspicieux et interrogateurs. La plupart du temps je n'y suis pour rien et je dégage en touche. Mais le doute subsiste. Et je peux comprendre.
Très tôt, quand la vie m'apparaissait injuste et les adultes mauvais, je pris l'habitude de tendre deux doigts en avant dans la direction de l'ennemi - à son insu bien sûr - et de souhaiter le pire. Quand après avoir proféré deux menaces définitives, je me vis à deux reprises suivre le corbillard des objets de ma vindicte, je cessais toute velléité de "jettatura" et évitais ainsi à quelques uns de disparaitre prématurément. Mais le mal était fait .....que je n'ai pas encore expié.
Alors je m'emploie à être bonne. Je m'applique à ne rien souhaiter d'autres que des choses heureuses, et désormais je suis la septième Maraine penchée sur les berceaux, qui annule d'un coup de baguette magique les mauvais sorts d'une précédente et inopportune mauvaise fée, . Du coup, j'arrive à faire oublier qui je fus dans mes jeunes années.
Cette réhabilitation je la mérite désormais.
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