Il m'a traîtée de conne. En réalité il l'a pas dit. J'ai simplement lu dans ses yeux qu'il l'avait pensé. J'ai l'habitude.
Il n'est pas le premier. Il ne sera certainement pas le dernier.
Tous les jours au boulot, y a des types qui se croient plus intelligents que moi et qui me le font savoir. D'abord ils lisent les journaux et sont au courant des dernières nouvelles : ils savent déjà les résultats du dernier match de foot de la veille, et même les numéros du tiercé à jouer pour gagner une somme de misère mais eux ils pensent qu'ils sont malins. Ils savent tout sur la politique et aussi sur l'économie et la mondialisation. Ils connaissent les chiffres et savent aussi pour qui il faudra voter aux prochaines élections.
C'est vrai que les hommes savent plein de choses. Et savent faire plein de choses. Qu'il s'agisse de conduire un tracteur ou de plonger la tête dans le moteur de leur voiture, de tailler les haies du jardin ou de courir le Marseille-Cassis en un temps record sans être plus fatigués que ça, ils sont impressionnants.
Ils excellent dans tout. S'ils choisissent la coiffure pour métier, ils deviennent vite patrons d'une chaîne de salons de coiffure de qualité. S'ils optent pour la cuisine, les voici aussitôt chefs gastronomes, grands cuisiniers toqués ou rien !
Si la couture les passionne, ils se retrouvent propulsés à mille lieues des petites cousettes , sous les feux de la rampe de la Haute Couture. Tout leur réussit. Ils ne font rien à moitié.
Même la guerre.
Il m'a traitée de conne.
Et je n'ai pas répondu. Exprès. Je fais toujours exprès. Quand je réponds à côté, quand je me trompe, quand je ne sais pas, quand je ne comprends pas. Je fais exprès d'être conne. Si je prends l'air intelligent ça le perturbe. Si j'en sais autant que lui ça le déboussole et si j'en sais plus cela le détruit. Je m'applique à rester la plus conne possible. Cela le rassure. Cela le rend important. Confiant. Béat.
Il m'a traitée de conne. Je suis restée de marbre. Je me contente de le regarder sans ciller. Je le connais par coeur. Je sais comment ça marche.. Il gonfle un peu le torse. Hausse le menton, prend un air condescendant . Il hoche la tête, pour signifier son découragement, et sa consternation à me voir si bête, si nulle, si ignare vraiment, il n'en revient pas !
Je ne bronche pas. A le laisser me croire conne, il est satisfait et moi, je suis gagnante.
Car la messe est dite et je peux filer silencieusement terminer la vaisselle.
Je le connais. Dans cinq minutes , il va venir se coller contre mon dos et me chuchoter dans l'oreille qu'il m'aime bien "quand même"....¨Même conne.
Et de l'oreille à l'oreiller.........................ça finit toujours comme ça, par un époustouflant Marseille-Cassis au fond du lit !
Rien à moitié j'vous dis !
petit fond sonore : http://www.youtube.com/watch?v=gpThDTvjTC0
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