Il la choisit comme amante.
Il aima tout de suite ses gestes, sa façon de bouger les mains, l'inclinaison un peu enfantine de sa tête sur le côté comme si elle attendait une réponse, il aima ses mots et sa musique.
Il la trouvait un peu naïve, déconcertante. Il crut qu'elle était romanesque. Un mélange sucré de Bovary et de Clèves, un peu lourd, indigeste. Un peu effrayant parfois. Alors il mit quelques limites. Ferma quelques portes. Plaça une ou deux balises. La tint informée très tôt qu'il ne changerait rien à sa vie. Qu'il ne fallait rien attendre.
Il aimait l'amour avec elle. Elle était différente. Au début cela l'avait dérangé. Lui le conquérant, on lui demandait désormais d'être tendre. D'arrêter le temps en plein vol et de flâner un peu entre les herbes, en quête de mirages et d'oasis, on le priait de s'attarder un peu sur la peau, sur les yeux, sur le front....Il s'exécuta...parce que décidément il l'aimait bien et qu'il était touché. Cependant, il rêvait de corps à corps violents et fiévreux.
Elle lui baisait les paupières et fondait en lui comme la mer. Quelquefois elle le regardait dormir. Il le savait. Il restait immobile et cela lui pesait un peu tout de même ce long regard de femme sur lui. Il songeait qu'à part sa mère personne jamais plus ne veillait ainsi sur son sommeil.
Elle voulait de lui quelque chose qu'il ne comprenait pas. Il crut qu'elle était vierge parfois tellement il fallut tout lui apprendre. Sa pudeur le charma au début, puis lui pesa. Elle réclamait la pénombre et un drap sur elle parfois. Pour ne pas qu'il la voit. Bien entendu il la voyait et appréciait pour de bon cette rondeur douce qu'elle protégeait.
Mais il se lassa. Il la voulait ouverte, il la voulait offerte. Il voulait la prendre de force avec force. Et la laisser inerte, trempée et repue. Il la voulait criant grâce et réclamant encore.
Elle, pourtant, se noyait en silence. Elle nageait dans son corps, et buvait ses embruns. Elle plongeait avec délices dans la tiédeur de cet homme, et se laissait par lui submerger. Son désir intact évoluait haut dans un ciel étoilé, et elle touchait le soleil. Son plaisir dénoué jaillissait en saccades, et puis mourait dans une sorte de plainte infinie.
Il avait peur de ce plaisir qui s'échouait dans les larmes, et regretta ses maîtresses fougueuses qui jouissaient sans entrave légères et rieuses.
Elle, elle voulait que ça continue Tout de suite. Tout le temps. Elle aimait et l'Avant et l'Après et aussi l'Instant. Il fallait que cela dure et que cela revienne, il fallait tout le temps se toucher, c'était comme la mer toujours recommencée.
C'était bon. C'était bien. Et lui revenait.
Cependant, une inquiétude le saisit qui grignota peu à peu ses nuits et sa tranquillité. Il se mit à songer à elle. Plus souvent. Anormalement.
Il s'attardait davantage auprès d'elle. Et lui touchait le front sans même qu'elle le lui suggerât. Et il eut envie un soir de rester avec elle.
Il sut alors qu'il était amoureux. Cela compliqua sa vie. Il pensa à cesser de voir ses maîtresses.
Mais ne put s'y résoudre...
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