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Villa Nordhaisie (2) par Misty44

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(suite) C’en était trop pour elle. Elle se tut et ferma les yeux. Elle s’enfonça dans son lit, semblant ne plus vouloir refaire surface. Elle pleura à gros sanglots, longtemps. Jacob était bouleversé par les paroles et le chagrin de cette femme. L’évidence se faisait. Il attendit, puis tout doucement, lui demanda : - Vous êtes Mina, n’est-ce pas ? Lentement, elle se releva. - Comment le savez-vous ? Jacob lui sourit. Mina crut revoir le sourire de Nathan. Il souriait et riait souvent lorsqu’ils étaient ensemble. - Avant de répondre à votre question, j’aimerais d’abord savoir pourquoi vous étiez dans la maison et ce qui s’est passé. Mina hésita, mais instinctivement elle se sentait en confiance avec Jacob. - Je suis revenue dans la région il y a quelques semaines. Tous les jours, je venais sur la plage et restais des heures à contempler la villa, plongée dans mes souvenirs et mes interrogations. De temps en temps, il me semblait voir des ombres se déplacer à l’intérieur. Et puis un jour, en fin d’après-midi, l’orage a éclaté brusquement. C’est alors que j’ai vu une bande, enfin une horde de garçons et de filles courir sur la plage en direction de la maison pour s’y abriter. Ils avaient une allure à faire peur, cheveux peints de toutes les couleurs, guenilles noires et treillis, visages transpercés d’anneaux et de clous. Ils hurlaient et criaient comme des sauvages. Malgré la pluie et le vent, je restais là, incapable de bouger. Ils ont cassé la porte du garage qui s’est mise à battre au vent. J’ai mis un certain temps avant de réagir, j’avais peur. Et puis j’ai entendu des bruits de vitres brisées. Je me suis rapprochée de la maison. Je les entendais crier, courir, sauter partout. Ils étaient en train de tout casser, alors je me suis précipitée à l’intérieur et j’ai essayé de les chasser de là en brandissant ce qui me tombait sous la main. Alors là, ça n’a fait que redoubler leur excitation et leur fureur, ils se sont jetés sur moi à plusieurs, m’ont balancée dans un coin de la pièce et rouée de coups de pieds…après, je ne sais plus… Qu’ont-ils fait ensuite? - Je ne sais pas, rien de plus sans doute. Ils devaient squatter la maison depuis quelques jours et vous les avez dérangés. Ils ont dû s’enfuir en croyant vous avoir laissée pour morte. D’après Pierrick, vous étiez dans un très sale état. Mais…maintenant, pouvez-vous enfin me dire pourquoi vous veniez tous les jours à cet endroit ? Mina paraissait maintenant très lasse. Elle était pâle, ses lèvres et ses mains tremblaient. Jacob s’en rendit compte et s’excusa : - Pardonnez-moi d’être aussi impatient, vous devez avoir besoin de vous reposer maintenant. Préférez-vous que je revienne vous voir demain ? - Oui, je veux bien, nous avons beaucoup de choses à nous dire. Cela me fait du bien de vous voir. - Alors, à demain, et puis… j’aurai une surprise pour vous ! - Ah ?... une surprise ? * Lorsque Jacob referma la porte, Mina se mit à repenser à tout ce qui venait d’être dit : l’accident, la mort de Nathan qui expliquait son silence à sa sortie de prison, il y a trois ans. Elle avait connu Nathan lorsqu’ils étaient étudiants, lui en Droit, elle en Lettres. Ils s’étaient tout de suite bien entendus, même âge, même religion, même passé familial douloureux, même goût pour la littérature et le cinéma. Il y avait entre eux une sorte d’amitié amoureuse, jamais avouée. Ils étaient très souvent ensemble, seuls ou avec des copains, ils riaient, s’amusaient et avaient des discussions passionnées. Et puis Nathan, qui avait beaucoup de succès auprès des filles, s’était laissé séduire par une certaine Clotilde, qui avait l’avantage d’avoir pour père un avocat célèbre. Nathan avait alors commencé à fréquenter les milieux chics et était devenu insupportable à ses yeux. Leurs chemins avaient divergé. Peu après, la fille était tombée enceinte et Nathan l’avait épousée. Rideau. Sa vie à elle fut ensuite une succession d’aventures et de périodes de solitude. Une de ces aventures se termina tragiquement une nuit, alors que son compagnon du moment, complètement ivre comme souvent, s’était mis à la frapper très violemment sans raison. Elle n’avait dû sa survie qu’au coup qu’elle lui avait asséné sur le crâne avec un lourd cendrier. La tête de son compagnon avait heurté le rebord de la cheminée et il avait été tué sur le coup. * Elle avait fait appel à Nathan pour la défendre. Cela faisait vingt ans qu’ils ne s’étaient pas revus, mais ils furent aussi heureux l’un que l’autre de se retrouver, malgré les circonstances. En attendant le procès, elle fit de la détention provisoire pendant un an et deux mois. Nathan venait la voir deux ou trois fois par semaine. Ils retrouvèrent vite leur ancienne complicité, il leur arrivait même de plaisanter et de rire. Ils se racontèrent les difficultés de leurs vies réciproques. Nathan lui permettait de garder bon moral, elle ne se sentait plus seule. Il lui apportait les livres qu’il venait de lire, ou lui racontait les films qui lui avaient plu. Son affection pour Nathan se transforma vite en amour, elle n’avait plus que lui, elle avait tout son temps pour penser à lui, rêver de lui. Elle essayait de combattre ce sentiment, car elle n’était pas certaine qu’il soit partagé. Elle connaissait Nathan pour sa pudeur, sa rectitude, son sens de l’éthique et des responsabilités, elle savait que tant qu’elle serait sa cliente, rien ne serait dit à ce sujet. Elle lui écrivit des lettres où elle osait lui confier ce qu’elle ne pouvait lui dire, mais il n’en fit jamais aucun commentaire. Toujours constant, toujours présent, gentil et attentionné, mais cela n’allait pas plus loin. Au procès, elle fut relaxée. Nathan et elle allèrent fêter l’évènement au café où ils avaient l’habitude de se retrouver lorsqu’ils étaient étudiants. Les jours suivants, alors qu’ils avaient l’intention de se revoir, plus rien, plus de nouvelles. Elle avait attendu longtemps que Nathan l’appelle, n’osant pas le faire elle-même. Plus le silence se prolongeait et plus le doute s’installait en elle. Elle se disait qu’elle n’avait pas compté pour Nathan autant qu’elle le croyait, qu’il était retourné à ses affaires, à sa famille. Elle n’avait pas cherché à savoir, à comprendre, de peur de lui paraître ridicule. La seule chose qui lui restait à faire était de partir loin, ailleurs, pour essayer d’oublier tout cela. S’en suivit une profonde dépression, dont elle ne pouvait sortir en raison des questions obsédantes qu’elle se posait au sujet du silence de Nathan. Cela dura environ trois ans, jusqu’à ce qu’elle prenne la décision d’en avoir le cœur net pour pouvoir tourner la page. Elle connaissait la villa Nordhaisie, pour avoir entendu la description que Nathan lui en avait faite lors de sa détention. Elle se dit qu’il fallait qu’elle se rende à cet endroit pour en savoir plus… * Mina se demanda ensuite, en se rappelant les propos de Jacob, comment il connaissait son prénom ? Est-ce que Nathan lui avait parlé d’elle ? Cela lui paraissait très improbable. Alors, quoi ? Et la surprise ? De quoi avait-il voulu parler ? Elle avait hâte d’être à demain. Epuisée, elle s’endormit. * Le lendemain, Jacob arriva de bonne heure à l’hôpital. Il se dirigea rapidement vers la chambre de Mina, ouvrit la porte et… la trouva vide, les draps pliés sur le lit. Affolé, il parcourut le couloir à la recherche d’une infirmière. - La dame du 14… où est-elle ? Elle n’est pas… ? L’infirmière, l’air renfrogné et placide : - Attendez ici que je me renseigne, je n’étais pas de service cette nuit… Pendant que Jacob restait planté dans le couloir, en proie aux pires suppositions, il entendit derrière lui une petite voix qui l’appelait : - Pssst... Jacob ! C’est moi, je ne tiens pas très bien debout, mais je ne veux pas rester une minute de plus dans cet endroit, je suis prête, on s’en va ? - Mais, Mina, vous n’êtes pas en état de… - Si on attend, on va se faire remarquer, allez ! donnez-moi votre bras… La sortie de l’hôpital se fit dans la plus grande simplicité, à leur grand soulagement. Sur le chemin du retour, ils se mirent à commenter cette petite aventure et Mina demanda : - Alors …vous m’aviez parlé d’une surprise, qu’est-ce que c’est ? - La surprise, c’est plutôt vous qui me l’avez faite, non ? Répondit Jacob en riant. - Mais, j’ai moi aussi quelque chose pour vous. Il lui tendit un paquet. Elle l’ouvrit rapidement et découvrit un trousseau de clés. Devinant son étonnement, Jacob lui expliqua : - J’ai pensé, mais c’est vous qui déciderez, que vous alliez avoir besoin de reprendre des forces dans un endroit qui a tenu une grande importance pour vous, un endroit où certaines lettres n’attendent qu’à être lues, des lettres qui auraient pu vous rendre heureuse, au moins quelque temps. Vous pourrez y rester autant que vous voudrez, sachez en tout cas que moi, cela me rendra heureux. FIN

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