Le premier jour, il l'entraîna vers la mer. Il avait pris sa main et l'emmenait. Jusqu'aux rochers, ils allèrent.... Ils allèrent jusqu'aux rochers..... Jusqu'à une sorte d'île au milieu de l'eau, un hâvre, un presque port. Battu par les vagues de l'été. La brise du soir sur leur trouble faisait comme un voile de mariée. Dans la lumière du couchant, il la vit qui souriait.
Plus tard dans la soirée, alors que venait la nuit, elle voulut aller au phare, au bout de la jetée. C'était un petit phare, rouge et blanc, un petit phare de rien du tout, qui montait la garde à l'entrée du port, face à la mer, petit David face à Goliath, invincible, enraciné dans le roc, avec son oeil de ronde en faisceau luminescent balayant les ténèbres..
L'air était frais, cependant les rochers recrachaient la chaleur de la journée : elle s'éloigna un peu pour s'étendre à même la pierre tiède, le visage tourné vers l'étendue noire mugissante, le dos en coquillage pour s'abriter des vents. Postées juste en-dessus quelques étoiles veillaient.....
Elle sentait la brise se couler dans ses reins, et rouler comme une vague. Elle recroquevilla son corps pour garder sa chaleur. Elle avait fait comme une bulle autour d'elle, seul son dos s'ouvrait sur l'infini et demeurait la part vulnérable : il était offert au vide, proie facile, fragile, un seul coup pourrait l'abattre. Sa colonne vertébrale ployait sous la poussée vibrante de l'air derrière elle. Elle entendait craquer ses os, comme la carêne d'un navire secoué par les flots, elle tendait les cordages pour parer aux scies du vent, ou baissait la voilure pour ne pas le contrer. Elle essayait de suivre le rythme des chocs répétés, se pliait, se tordait, se courbait selon la force. Son dos armure menaçait d'être arraché, emporté au large par un souffle trop violent. Elle avait un peu froid dans la nuque, et rentra sa tête dans son pull.
C'est là que soudain elle souhaita qu'il vint, lui, l'homme neuf, palpitant et solaire, qu'il vint, se glisser contre elle, à l'arrière, parer son corps contre les morsures du vent, l'envelopper de ses bras chauds, et souffler dans son cou. Elle regardait vers le ciel où deux étoiles plus vives que les autres accoururent, pour accueillir son voeu.
Pendant qu'au firmament se tenaient des conciliabules, lui, debout au pied du phare, contemplait la mer.... Du fond de l'horizon, alors, une étoile fila......... qui le sortit de son rêve. Il la vit enfin, elle, escargot lové sur la digue, au beau milieu de la nuit, frêle esquif échoué sur le rivage....et la lampe du phare qui éclairait sans la voir la silhouette oubliée.
Il distinguait désormais son dos arquebouté, comme une invite. Comme un aimant. Boussole désormais de son désir à lui. Il marcha jusqu'à elle et la couvrit de son corps. La tint serrée contre lui et la baisa au cou. Il échangea son soleil avec elle. Ils s'agrippaient maintenant pour un voyage au long cours. Ils hissèrent la grand voile et l'on put voir deux étoiles danser à la hune là-haut...
Elle crut bien mourir lorsqu'il vint . Elle sentit la grâce en même temps tomber sur elle. Il n'avait suffi que de souhaiter.
Décidément, elle avait de la chance. Cet Homme là, venu du ciel, qu'elle voulait,...... il la voulait aussi. Elle qui ne croyait en rien. Elle qui n'attendait rien. Elle avait de la chance. Ces deux-là s'étaient rencontrés, ils avaient reconnu quelque chose. Elle ne savait rien, elle ne savait pas. Elle sentait monter en elle, entre ses cuisses, une émotion qui la faisait s'entr'ouvir docile et vacillante, son ventre jouait la vague et la marée, vissée à l'homme elle levait l'ancre et buvait la mer à larges goulées, cramponnée à son mât, elle était la proue, elle était la poupe et son navire comme une étoile filait...
Cette nuit là, au pied du phare, il était le phare et elle fut la mer. Désormais "elle serait la nuit. Il serait le gardien...".
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