Il n'y a pas à dire quand ca va mal, tout va mal. A un point que l'on dirait même que les objets se liguent contre vous.
Tu venais de partir et nous savions l'un l'autre que nous ne nous reverrions pas. Je n'étais pas dupe de tes explications. Tu avais essayé proprement de me quitter... mais il n'y a pas de séparation propre quoique l'on dise.... Il allait me falloir du temps... Histoire de reprendre mon souffle... Histoire de pouvoir continuer à vivre.
Je me suis laissée tomber dans ton fauteuil attitré et je me suis trouvée par terre, effondrée sur le sol... De toute façon je ne pouvais pas tomber plus bas. Il n'y aurait pas qu'à l'âme que les bleus allaient fleurir. Ton fauteuil aurait-il voulu me dire qu'il n'était pas pour moi qu'il n'aurait pas fait mieux, ... Ca a déclenché chez moi une crise de larmes. Je ne savais comment j'allais survivre. Demain il me faudrait jouer de la palette pour masquer mes cernes et mes yeux rougis... Un demain que je n'arrivais même pas à imaginer, à projeter.
Je suis restée là un temps incalculable. Et puis j'ai fini par me trainer à quatre pattes jusqu'à la table basse où trainaient revues et magazines. Posé au dessus de la pile, la une du journal du soir parlait de la solitude des célibataires dans l'anonymat des grandes villes.... J'y étais en plein dedans, on aurait cru qu'il s'adressait à moi pour me faire encore plus te regretter, pour me dire que, de toutes façons, je resterai seule à tout jamais. Mon destin était écrit, il suffisait de le lire, Le Monde me le confirmait... Seule je finirai. Etait-ce utile ?
J'ai fini par me lever mais ce faisant j'ai heurté la bibliothèque et j'ai reçu un livre sur ma tête qui ne tenait pas bien droite déjà. C'était New York que je recevais en pleine pomme. Pourquoi fallait-il que ce soit justement ce livre que je t'avais offert lors de ton anniversaire, en prévision de notre prochain voyage que nous ne ferions jamais... Assommée je l'étais de toutes les manières que ce soient. Les forces inanimées se réveillaient avec son cortège de signifiants, signifiés... Tout me ramenait à toi, tout portait ta trace ou ton absence en creux... Plus rien ne m'appartenait...
Même le chat tournait en rond, inquiet, miaulant. Bête inhumaine qui ne respectait pas ma tristesse, mon envie de rien. Je suis donc allée à la cuisine, l'animal avait faim lui. Alors je lui ai ouvert une boite, et les bords du couvercle m'ont griffée puis éraflée la main. Le sang s'est mis à perler alors j'ai appuyé plus fort pour qu'il coule, c'était un rouge fascinant, fascinant comme le jus d'une tomate dégorgeant. J'ai remonté vers le poignet et j'ai appuyé encore plus fort, que le sang se répande comme le trop plein de mon chagrin, qu'il submerge tout, qu'il soit l'anéantissement âméantal, le rouge mortifère.
Texte écrit à l'occasion d'un jeu d'écriture initié par Phylisse, selon les contraintes suivantes :
Il vous appartiendra de composer un texte rayonnant autour de cette citation de Lamartine : "Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?", de la façon qui vous plaira : illustration, allusion, ce que vous voudrez. Il ne sera pas obligatoire de faire apparaître la phrase dans votre texte mais la référence devra être indiscutable.
Vous ferez figurer dans votre création les 4 mots suivants : journal -tomber-tomate-New York
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