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Capellini n°1 - 3 minuti al dente par Pylone Monotube

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C'est très gentil de prendre ainsi de mes nouvelles. Vous me demandez où j’en suis, si je vais bien, de quelle manière je traverse l’existence, mais quand je vous réponds que je la traverse à vélo et que j’en connais un rayon (Malaparte l’a fait avant moi, je n’invente rien), vous trouvez ça franchement très mauvais. Non, vous n'êtes pas drôle. Je devrais toujours m’en tenir à la profondeur et ne jamais m’en dispenser lorsqu’il s’agit de converser, mais les insondables obscurités qu’elle suppose d’éclaircir vous donneraient encore du grain à moudre et ce n’est pas ce que je souhaite. Vous me répétez inlassablement que je corresponds en tous points à l’homme que vous cherchez, et vous ne voulez absolument pas faire le constat de votre erreur. Auriez-vous décidé de vous perdre ? Connaissez-vous cette très belle prose de Marcel Moreau : « car il y a quelque étrange joie à désespérer absolument dans la beauté pour laquelle on s’est consumé », vous pourriez en effet la faire vôtre, mais votre bagage est maigre : vous voulez simplement savoir si de votre séduction je finirai pas être l’objet. Incandescence du miroir, vous me regardez briller dans vos pupilles et vous dites : c’est incroyable, c’est intense, ça me brûle. J’ai pourtant patiemment et gentiment tenté de vous prouver qu’il n’en était rien. J’oscille chaque jour entre les nouilles et les spaghettis, j’apprends la perfection de l’al dente et cela me suffit depuis bien longtemps. Je ne vous connais pas et pourtant vous faites partie de mon immense champ de connaissances, vous voudriez être particulière, vous êtes universelle. J’ai anobli mon sexe, il dort maintenant au fond du lit et de temps à autre se joue d’une bandaison primesautière qui lui rappelle un temps où affaibli par un désir constant d’être adoré, il cédait à ce qu’il pensait être à chaque fois l’Unique réponse possible : cette chair là, cet esprit là, cette mécanique en parfaite adhésion avec mes rouages en creux, mes déroutages en vrille, mes latences en suspension penchées sur un vide que rien, ni vous ni personne ne viendra jamais combler. Vous êtes très belle, et c’eut été faire insulte à ma propre existence que de me priver de vos ardentes enivrances. Mais vous êtes enveloppée d’hystérie, c’est pour l’heure la seule énergie qui vous fait courir ainsi à ma porte que vous ne cessez de forcer à coups de poétiques embardées. Il vous faut quitter la matrice qui fut votre antre de naissance et vous désigna comme objet unique et adulé, vous faites partie de la grande communauté des communes. Pour moi qui en ai terminé avec ces spirales infernales, je peux vous dire que tout cela nécessite d’être vécu au plus près ; nos existences méritent que nous soyons envers elles de bons artisans car c’est ainsi que nous nous sculptons, de gouffre en consolation, de colère en apaisement, de la matière brute à tailler sans relâche. J’ai pris le temps de vous écrire. Je souhaiterais que vous preniez le vôtre pour ne pas répondre. Prenez un vélo, roulez, et n’oubliez pas de vous munir d’une pompe et d’une boîte de rustines, les chemins sont couverts de mauvaises intentions.

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