C'est très gentil de prendre ainsi de mes nouvelles.
Vous me demandez où jen suis, si je vais bien, de quelle manière je traverse lexistence, mais quand je vous réponds que je la traverse à vélo et que jen connais un rayon (Malaparte la fait avant moi, je ninvente rien), vous trouvez ça franchement très mauvais. Non, vous n'êtes pas drôle.
Je devrais toujours men tenir à la profondeur et ne jamais men dispenser lorsquil sagit de converser, mais les insondables obscurités quelle suppose déclaircir vous donneraient encore du grain à moudre et ce nest pas ce que je souhaite.
Vous me répétez inlassablement que je corresponds en tous points à lhomme que vous cherchez, et vous ne voulez absolument pas faire le constat de votre erreur.
Auriez-vous décidé de vous perdre ? Connaissez-vous cette très belle prose de Marcel Moreau : « car il y a quelque étrange joie à désespérer absolument dans la beauté pour laquelle on sest consumé », vous pourriez en effet la faire vôtre, mais votre bagage est maigre : vous voulez simplement savoir si de votre séduction je finirai pas être lobjet.
Incandescence du miroir, vous me regardez briller dans vos pupilles et vous dites : cest incroyable, cest intense, ça me brûle.
Jai pourtant patiemment et gentiment tenté de vous prouver quil nen était rien.
Joscille chaque jour entre les nouilles et les spaghettis, japprends la perfection de lal dente et cela me suffit depuis bien longtemps.
Je ne vous connais pas et pourtant vous faites partie de mon immense champ de connaissances, vous voudriez être particulière, vous êtes universelle.
Jai anobli mon sexe, il dort maintenant au fond du lit et de temps à autre se joue dune bandaison primesautière qui lui rappelle un temps où affaibli par un désir constant dêtre adoré, il cédait à ce quil pensait être à chaque fois lUnique réponse possible : cette chair là, cet esprit là, cette mécanique en parfaite adhésion avec mes rouages en creux, mes déroutages en vrille, mes latences en suspension penchées sur un vide que rien, ni vous ni personne ne viendra jamais combler.
Vous êtes très belle, et ceut été faire insulte à ma propre existence que de me priver de vos ardentes enivrances. Mais vous êtes enveloppée dhystérie, cest pour lheure la seule énergie qui vous fait courir ainsi à ma porte que vous ne cessez de forcer à coups de poétiques embardées.
Il vous faut quitter la matrice qui fut votre antre de naissance et vous désigna comme objet unique et adulé, vous faites partie de la grande communauté des communes.
Pour moi qui en ai terminé avec ces spirales infernales, je peux vous dire que tout cela nécessite dêtre vécu au plus près ; nos existences méritent que nous soyons envers elles de bons artisans car cest ainsi que nous nous sculptons, de gouffre en consolation, de colère en apaisement, de la matière brute à tailler sans relâche.
Jai pris le temps de vous écrire.
Je souhaiterais que vous preniez le vôtre pour ne pas répondre.
Prenez un vélo, roulez, et noubliez pas de vous munir dune pompe et dune boîte de rustines, les chemins sont couverts de mauvaises intentions.
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