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Sagesse juive par Lhomme-den-Face

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Conter le Sens… c'est le but du mythe contenu, notamment, dans les textes de la sagesse juive dont je vais vous livrer un extrait… Ce texte, je ne sais d'où il vient. Je l'ai entendu lire, dans le film "Fanny et Alexandre" (Bergman) par un rabbin, aux enfants, héros dudit film, après qu'il les ait (miraculeusement) délivrés de l'emprise de leur cruel beau-père, le pasteur Vergerus. Pourquoi "conter" et non dire ?… Qu'ajoute le conte au verbe, qu'ajoutent les images à la géométrie des arcanes kabbalistiques dans la transmission traditionnelle ? Les sages lisent dans les abstractions, principes vitaux, répartis en dix émanations (nommées séphiroth) et reliées entre elles par vingt-deux segments (nommés sentiers)… Cette géométrie forme l'architecture de la création, que cette dernière soit considérée sous son aspect cosmogonique, naturel ou humain… et allant de la première perception abstraite, transcendante, racine du désir (la couronne ou Kether), jusqu'au monde incarné (Malkuth) habité de présence divine (Shekina). Tous les contes, tous les mythes, dans leur incroyable diversité sont arcboutés sur cette architecture spirituelle, en soi unité immuable, mais permettant l'infinité de formes et d'émotions. Le conte ébranle l'imaginaire, incise l'âme et la prédispose au désir transcendant en touchant l'être dans son intimité. L'individu, défloré par l'universel, émane sa sensibilité, sa vision personnelle, mû par l'incessant désir de comprendre la vie, de réellement lui donner Sens… Voici le conte : Un jeune homme voyage le long d'une route sans fin, en nombreuse compagnie. La route traverse une plaine rocheuse où rien ne pousse. Le soleil brûle du matin au soir. Ils ne peuvent trouver d'ombre ou de fraîcheur nulle part. Un vent pénible soulève d'énormes nuages de poussière. Le jeune homme est poussé par une anxiété incompréhensible et tourmenté par une soif brûlante. Parfois il s'interroge lui-même ou ses compagnons de voyage sur le but de leur pèlerinage, mais la réponse est incertaine et provisoire. Il a lui-même oublié pourquoi il a entrepris ce voyage. Il a oublié aussi sa terre natale et la destination finale du voyage. Soudain, un soir, il se trouve devant une forêt ; le crépuscule s'installe et tout est tranquille et peut-être le vent du soir soupire-t-il à travers les grands arbres. Il reste là, surpris, mais aussi anxieux et méfiant. Il est tout seul et il découvre qu'il entend mal car ses oreilles sont enflammées par la lumière sans merci du jour. Sa bouche et sa gorge sont sèches à cause du long pèlerinage. Ses lèvres sont crevassées, soudées l'une à l'autre par les blasphèmes et les mots cruels, si bien qu'il n'entend pas les bruissements de l'eau qui coule et ne remarque pas son miroitement dans le crépuscule. Il reste là sourd et aveugle au bord de la source, inconscient de son existence. En somnambule, il dérive inconsciemment parmi les flaques scintillantes. Son adresse aveugle est étonnante et bientôt il est à nouveau sur la route, dans la lumière brûlante, sans ombre. Une nuit, près du feu de camp, il est assis auprès d'un vieil homme qui raconte à des enfants les forêts et les sources. Le jeune homme se rappelle ce qu'il a traversé, mais vaguement et confusément, comme dans un rêve. Il se tourne vers le vieil homme, sceptique mais courtois, et il demande : — d'où vient toute cette eau ? — elle vient d'une montagne dont le sommet est entouré d'un nuage puissant. — quel genre de nuage ? demande le jeune homme. Le vieil homme répond : — chaque homme porte en soi ses espoirs, ses peurs et ses désirs ; chaque homme crie son désespoir ou le supporte dans son esprit. Certains prient un dieu particulier ; d'autres adressent leurs cris au néant. Ce désespoir, cet espoir, ce rêve de délivrance, tous ces cris, toutes ces larmes s'amassent depuis des milliers et des milliers d'années et se concentrent en un nuage immense autour d'une haute montagne. De ce nuage, la pluie tombe sur la montagne, formant les ruisseaux et les rivières qui traversent les grandes forêts. Voilà comment se forment les sources où l'on peut étancher sa soif, laver son visage gravement brûlé, rafraîchir ses pieds gonflés. Chacun, un jour, a entendu parler de la montagne, des nuages et des sources, mais presque tous restent anxieusement sur la route poudreuse dans la lumière. — pourquoi y restent-ils ? demande le jeune homme, stupéfait. — je n'en sais certes rien, répond le vieil homme. Peut-être se sont-ils persuadé eux-mêmes et entre eux qu'ils atteindraient leur destination inconnue dans la soirée. — quelle destination inconnue ? demande le jeune homme. Le vieil homme hausse les épaules : — selon toute probabilité, cette destination n'existe pas. Ce n'est qu'illusion ou imagination. Moi-même, je cherche la route des forêts et des sources ; je l'avais trouvée quand j'étais jeune, et aujourd'hui je reviens sur mes pas pour la retrouver. Ce n'est pas facile, je te le dis. Le matin suivant, le jeune homme accompagne le vieil homme dans sa recherche de la montagne, du nuage, des forêts et des sources.

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