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L'hiver par Botticella

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L’hiver prend son envol au dessus de nos vies. Il a chassé les feuilles rousses et les baies rouges, Avivant sa vigueur dans les vallons tout gris, Forgeant des chemins creux où de rares âmes bougent. Les pierres sont frileuses, et les champs désertés Par les belles hirondelles que le printemps retrouve. Seuls les corbeaux prennent part au paysage gelé, Comme des moines austères que rien ne désapprouve. Le froid raidit toute chose, et se réchauffent les coeurs Sous les grands toits fumants qui gardent les secrets. Le soir tombe très vite, et les lampes sont lueurs Tremblantes dans la nuit; éclairant minarets, Cités aux rues désertes, cathédrales et ruelles. Un passant audacieux, égaré sur les ponts Ou vers les marécages, regarde ces nouvelles Eaux noires, gonflées de boue par les pluies de charbon, Glaciales et salissantes pour la nature qui souffre. Dans le fond des marais, les canards tremblent fort. Parfois, un étourneau passe, évitant le gouffre Des vents cinglants qui hurlent comme ferait la mort. La forêt est très calme dans ses branches en deuil. Mais les arbres d’épines sont devenus les rois. Ils aiment de l’hiver leur parure, et cueillent Le vif parfum des sèves sous leur écorce de choix. Les animaux sauvages préfèrent leur tanière Et dormir très longtemps, l’un contre l’autre serré, Pour chauffer leur fourrure épaisse de l’hiver. Ils doivent pourtant trouver une nourriture, glanée Dans l’espace des frimas qui laisse peu de choix, Et réduit leurs festins à de piètres pitances. La campagne l’hiver est un lieu sans émoi, Avec cette dureté des contrées sans aisance. La nature semble austère et tous désertent la place. Point de doux papillons, de libellules, de fées; Point de fleurs, de feuillages, point d’herbe ; rien que des traces De pas, sabots et pattes dans les neigeuses allées Et sur les routes hagardes balayées par les vents. Puis, lorsque se déchaînent les violentes tempêtes, L’air trop froid chasse alors tous les fiers habitants. Ils se ruent aux tavernes pour boire des vins de fête, A Paris et dans les chalets de la montagne, Ou de la bière sucrée à Anvers ou Bruxelles. Car la vie se fait joyeuse l’hiver, et gagne Un confort à l’intérieur qui donne des ailes. Tous les esprits s’échauffent aux vapeurs de l’alcool. Quelque musique vive fait danser les manants, Les belles femmes, emmitouflées en leur laine qui colle Leurs charmantes épaules et leurs seins de diamant. Mais soudain tout explose lorsque paraît la neige. Le ciel chargé de gris laisse partir sa matière, Et le monde apparaît ni fade, ni laid, ni beige, Dans cette métamorphose où née une atmosphère De pureté, de beauté, de silence retenu. Cet étrange rituel d’opéra féérique Survient d’un ailleurs mystérieux, jamais vu. Splendide univers, où la blancheur chimérique Rivalise avec une douce somptuosité. Et, lorsque cette neige bien tassée par la nuit Apparaît à l’aurore d’un jour ensoleillé, Mille perles argentées brillent alors sans un bruit, Laissant la place au rêve, qui a changé le laid En cette magnificence dont le souffle est divin. Le sombre et la grisaille laissent la place aux clés Ouvrant sur un monde fantastique, sur un écrin Où les ombres deviennent des êtres d’aventure. Enfin, lorsque le froid dans la nuit rebondit, Toute chose s’enrobe de givre, donnant l’allure D’un théâtre de glace où l’Homme se sent petit. Sous le soleil d’hiver scintillent des étoiles Sur les arbres, les roches, les chemins et la terre. Cette cathédrale du froid devient alors la toile D’un immense chef d’œuvre où danse la lumière. Botticella

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