A l'instant où nous croisons,
elle m'arrête et pose la main sur mon bras.
Pardon monsieur, auriez-vous l'heure?
L'air de quoi, Madame?
Pardonnez-moi...
Non, je n'ai pas d'heure.
Jamais lorsque je musarde.
Et pourquoi?
Je tiens à cette liberté.
Ah... Moi, je ne sais vivre que par tranches horaires
dont je me fixe préalablement les limites.
Mon psy prétend que cela tient
à ce que je suis née "grande prématurée".
Donc, vous n'avez aucune idée de l'heure qu'il est?
Aucune
Mais si cela peut vous dépanner,
venez prendre l'heure chez moi...
Non non, merci, je n'ai pas le temps.
Qu'en savez-vous, puisque vous n'avez pas l'heure?
Dès que je n'ai plus l'heure, je me sens en retard.
Alors il faut que j'y aille.
Peut-être allez-vous arriver en avance
et gagner du temps qui, finalement, sera perdu.
Eh bien, pour une fois, je m'offrirai le luxe
de le regarder passer!
Nous nous sourions.
Puis elle me salue
et aussitôt s'éloigne à pas pressés.
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