Cela faisait maintenant plus de 10 ans qu'il travaillait là. Il faisait partie des murs comme on dit. Il était en effet un des anciens, il connaissait bien l'historique de l'entreprise et à ce titre il était parfois consulté. Il répondait sobrement, efficacement, sans s'étendre, il ne prêtait pas attention à ses collègues. Il était souvent dans la lune et pensait souvent à ce qu'il ferait de sa soirée. Ses collègues n'auraient pas pu le définir autrement que comme effacé, réservé. Mais au delà de ces quelques adjectifs qualificatifs, aucun n'aurait pu en dire plus. Ils le côtoyaient sans le connaître vraiment. Peu loquace, personne ne savait grand chose de sa vie à l'extérieur.
Chaque soir, c'était immanquablement la même chose, il quittait rapidement le travail pour s'en retourner chez lui. Il aspirait à ses soirées de détente et de fête. Tous les soirs dès qu'il avait franchi la porte de son entreprise, il se sentait revivre. Il rentrait chez lui, le plus rapidement possible, peu porté sur l'observation du monde qui l'entourait... Il était attendu. Il ne pouvait pas traîner. Il marchait vite, tête baissée. Il passait inaperçu dans cette ville immense. Vingt minutes de marche d'un pas décidé lui étaient nécessaires pour qu'il rejoigne son immeuble. Après il lui restait à monter 7 étages et il pouvait enfin se réfugier dans sa chambre. Et là la vie enfin pouvait commencer.
Tout d'abord il commençait par se changer, se mettre à l'aise et puis une autre vie commencerait, sa vie ! Des amis il en avait à foison. Alors il irait rendre visiter aux uns et aux unes. On lui rendrait la pareille, il faut dire qu'il était populaire alors des visites il en avait beaucoup. Sa facilité de contact en avait fait un prince, le prince de la nuit. La nuit, il était enfin dans son royaume.
Entre amis ils discutaient beaucoup, s'échangeaient de bons mots, plaisantaient, se passionnaient dans de longs débats, s'offraient des verres aussi. Et quand l'occasion se présentait il essayait de charmer celle ci, draguer celle là. Il aurait aimé que cela débouche sur une rencontre amoureuse mais aucune n'avait donné suite pour l'instant, alors en attendant, il lui importait de vivre cette vie là. Il ne s'en serait passé pour rien au monde.
Il était parfois même déraisonnable, ne voyant pas le temps passer... Parce que quand même le lendemain, une autre journée commencerait, et il faudrait bien aller travailler. Alors après avoir dit ses adieux plusieurs fois à toutes les personnes présentes il se résolvait quand même à les quitter à contrecoeur. Même si dès le lendemain soir, il serait à nouveau là. Et puis, enfin, il éteignait son micro pour aller se coucher.
↧