Du secret à la lumière par The Dreamer

C’est étrange comme certains souvenirs peuvent vous coller à la mémoire et d’autres s’éloigner à pas feutrés, sans se retourner… sans bruit. Ce souvenir là fait 1m10 de haut – Malgré les années il ne m’a jamais quitté… Certains après-midi les rideaux épais de la salle de séjour demeuraient en plein jour étrangement clos. Je percevais me levant de ma sieste, le regard encore embrumé par le sommeil, les chauds rayons du soleil dardant au travers des tentures ou le bruit sec de la pluie sur le carreau. J’ai toujours aimé la pluie… La pièce était alors plongée tantôt dans une douce atmosphère orangée qui allait s’amenuisant au fur et à mesure que s’approchait le sol, tantôt drapée d’un sombre voile où la lumière du jour ne perçait que péniblement. Je n’aimais guère le second… j’ai toujours cherché la lumière. Je levais le visage et m’interrogeais sur ce que pouvais bien cacher cette mise en scène – Dans ces moments, il me semblait être au spectacle bien malgré moi. Une pièce d’une durée variable où les représentations ne se jouaient pas à dates fixes et où un seul acteur s’égosillant se démenait de l’autre côté m’était donnée. Derrière le velours, une voix émergeait semblant donner la réplique au silence. Elle construisait dans le vide un monologue dont je ne percevais aucun mot distinctement. Jamais. Aucune phrase à laquelle me raccrocher, m’enraciner pour tenter de donner un sens à ce qui me semblait malgré mon jeune âge contenir quelque importance. Dans ces moments, ma mère d’ordinaire si occupée était là, présente à mes côtés. Je n’avais pas le droit de lever le tissu qui me séparait de cette lumière que je désirais tant. Je tentais bien sur la pointe des pieds, par frustration et envie de voler ne serait-ce qu’une image fugace, mais, ma volonté se heurtait au rebord inférieur de la fenêtre avortant toute tentative. La pièce se jouerait sans moi… j’étais trop petit pour y participer, même si un rôle m’avait été distribué. Je pouvais tout juste y assister… sans y assister. Chose étrange, le rideau ne s’ouvrait que lorsque la pièce était finie. Je n’ai jamais vu l’acteur… seul sa voix lointaine m’est parvenue entre les silences. Je ne sus que bien plus tard que c’était mon père… et que la pièce qui se jouait dans la rue était une partie de ma vie.