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Parfum de femme... par Lindomptable

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Elle est pressée, son train va partir et elle ne veut pas le rater. Elle court à perdre haleine. Sur le parvis de la gare ses talons claquent sur le bitume. Enfin le quai ! Son train est sur le point de partir. La locomotive rugit et crache des volutes de fumée qui viennent stagner puis s'évanouir sous la grande verrière abritant les quais. Audrey saute sur le marche-pieds au moment pile où le chef de gare agite son drapeau et siffle le signal de la fermeture des portes. Elle reprend son souffle. Le train s'ébranle et le voyage peut commencer, direction Istanbul. Audrey n'y restera que quelques jours, le temps de faire les photos qu'un grand magazine lui a commandées pour illustrer un article sur cette ville magique aux mille merveilles. La nuit commence à tomber lentement. Le train file, imperturbable, dans la douceur du soir. Audrey est sortie de sa cabine. Dans le couloir, le nez contre la vitre, elle regarde défiler le paysage. Perdue dans ses rêveries elle ne s'est pas aperçue qu'un homme a surgi du wagon voisin et vient à sa rencontre. Elle ne se rend compte de sa présence qu'au moment où il passe derrière elle et, s'arrêtant brusquement, se penche vers sa nuque pour sentir son parfum. Audrey sent son souffle dans son cou mais n'ose pas bouger. Les yeux rivés sur la vitre elle y voit son reflet. C'est un beau jeune homme au visage doux. Tout chez lui respire l'élégance, jusqu'à son costume impeccablement ajusté sur un corps d'allure athlétique. Puis l'homme se remet en marche, fait quelques pas et s'arrête de nouveau. Il se retourne. Leurs regards se croisent longuement. Des mots pourraient sortir de leurs bouches mais ils restent muets. D'autres mots que leurs regards s'échangent semblent bien plus parlants que n'importe quelle parole. Après ce long moment où le temps semble comme suspendu, l'homme reprend sa route, laissant Audrey songeuse et perplexe. Elle réintègre sa cabine, l'esprit quelque peu troublé. Alors qu'elle se prépare pour la nuit on frappe à sa porte. Elle se fige. Son coeur bat la chamade. Espérant que ce soit l'homme du couloir, elle va ouvrir. Déception, ce n'est que le contrôleur qui passe vérifier son passeport. Une fois la porte refermée elle se couche enfin et tente de s'endormir mais n'y parvient pas, se tournant, se retournant, dans un sens puis dans l'autre, trop agitée par les images de la scène qui s'est déroulée dans le couloir. Ce regard dont elle se demande pourquoi il l'a tant perturbée, elle ne peut l'oublier. Pourtant elle n'a pas de désir, surtout en ce moment. Enfin, c'est ce qu'elle pense. Alors pourquoi s'est-il brusquement réveillé ce désir tellement enfoui en elle qu'elle ne se souvient même pas de la dernière fois où elle a ressenti un tel bouleversement ? Des hypothèses aussi farfelues les unes que les autres s'échafaudent dans son cerveau bouillonnant avant qu'elle se persuade finalement que c'est sans doute le propre désir de cet homme qui a réveillé le sien et qu'elle l'a simplement senti assez fort pour qu'il provoque ce raz-de-marée incontrôlable. Cette pensée l'apaise et elle finit par s'endormir. Tandis qu'elle s'endort elle ne sait pas qu'au même moment l'homme du couloir est justement là, tout près, assis dans ce même couloir, la tête posée contre la cloison de bois, à quelques centimètres d'elle. Lui aussi n'a pas pu s'endormir. Lui aussi est profondément perturbé par cette femme et son parfum envoûtant. Il voudrait trouver le courage de frapper à sa porte mais n'y arrive pas. Cinq jours passent sans qu'ils ne se croisent à nouveau et au sixième jour le train fait son entrée en gare d'Istanbul. Audrey descend du train. L'homme du couloir occupe toujours ses pensées mais il lui faut en faire abstraction car elle doit se concentrer sur le travail qui l'attend. Elle n'a que deux jours pour faire ses photos. Pas de temps à perdre. Son Leica numérique en mains, elle part à l'aventure à travers les petites ruelles du vieux Istanbul. Emerveillée par toutes ces couleurs offertes par les étals des marchands d'épices elle ne sait plus où donner de l'objectif. Il y a tant de belles images à faire. Et toutes ces odeurs épicées qu'elle ne peut capturer mais dont elle s'enivre avec volupté... Sur le port elle prend un bateau rempli de touristes pour une petite ballade sur la mer de Marmara. Là encore la lumière est si belle et le décor si splendide qu'elle ne peut se résoudre à ôter son doigt du déclencheur de son appareil photo. Un bateau semblable à celui qui la transporte navigue dans leur direction. Elle en prend quelques photos. Les deux bateaux se croisent. Audrey fait une pause pour regarder sur l'écran les quelques photos qu'elle vient de prendre quand soudain apparaît sur l'une d'elles...l'homme du couloir. Elle n'en croit pas ses yeux, se retourne vers l'autre bateau, mais il est déjà loin. Les passagers sur le pont ne sont plus que des silhouettes informes. Elle est à nouveau troublée, se disant que ça ne peut pas être une coïncidence. Malheureusement il est maintenant trop tard pour le retrouver. Lorsqu'elle aura débarqué il lui restera juste assez de temps pour rejoindre la gare et attraper son train de retour pour Paris. Une heure plus tard c'est une jeune femme un peu triste et pensive qui pénètre dans le grand hall de gare désert. Après avoir fait quelques pas sur le magnifique carrelage en mosaïque, elle s'arrête un instant en plein centre du hall. Fermant les yeux, les images de ces derniers jours défilent derrière ses paupières. Un léger souffle de vent vient lui caresser la nuque. Audrey ouvre alors les yeux brusquement. Sa bouche esquisse un sourire. Elle a reconnu ce souffle, et ce n'est pas celui du vent...

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