abondance de mots II - le retour par Touslesbato

Omar Sharif s’en allait, bédouin perdu dans un océan de neige alors qu’il pensait n’être fait que pour le désert. En guide de chasse spleen, il décida tout simplement de changer de film et de passer en mode Docteur Jivago avec Lara en fond de thème sonore. Ainsi en regardant par la fenêtre, il verrait se former les dendrites ciselées de la glace, à moins qu’il ne devienne lui-même un dendrite, ermite perdu en haut d’un arbre. Mais on ne lui avait pas encore proposé le rôle de Tarzan. D’ailleurs, vu son grand âge maintenant, serait-il un jour capable de prendre la suite de Lord of the Apes, ce Français aux yeux frisottant les nuages, tels des catadioptres reflétant toute la désespérance du monde ? Car en ces temps de maigre pitance, l’abondance n’était plus de mise. Le Vert Galant, dans sa tombe profanée ne pouvait même plus s’y retourner, cela faisait une éternité qu’il avait perdu sa tête et tout le reste qui allait avec. Adieu donc poule au pot, flamenkuche, bouillabaisse , tajine, goulasch, bortsch, berthoud, tarama et même omelette norvégienne, il fallait enfiler la camisole des temps difficiles, se faire tout petit en attendant ... Non non non, il restait encore deux mots et pas des moindres. Deux mots qui allaient forcément le sauver tant ils étaient évocateurs. Et c’est ainsi qu’avec sa grelinette de secours, Omar fouilla farouchement la terre. Le sol, seulement gelé en surface, recélait en fait de véritables trésors. Suffisait de creuser, patiemment. Le temps des racines retrouvées... avec un goût de madeleine un peu salée. Mais surtout il restait dans se besace, ce récipient fabuleux, aux multiples embouchures dont chacune exhalait une liqueur différente, qui allait de la mandarine impériale au schnapps forcené sans oublier la vodka à la transparence revigorante. Telle une lampe magique, plus on en buvait, plus il y en avait. Seulement était-ce réellement un instrument de sauvetage ou bien de perdition ? En effet, très rapidement, on ne pouvait plus s’en passer. D’ailleurs le soleil baissait. Il devait être probablement 5 heures. Le temps de grollucher. Il saisit fébrilement le récipient et avala une des bouches au hasard. Un délicieux parfum de mirabelle emplit son palais. Rien qu’une lampée de liqueur de mirabelle... et son monde s’éclairait. Ahhhhh, il fallait bien se l’avouer, le sortilège de la grolle était de retour...