Laissons tomber les approches en crabes des précieux et précieuses, ces impuissants du dire, ces mous du sentiment, ces bavards. La rudesse et la franchise du blues frappent plus vite au coeur. En quelques mots ils ramènent à l'age de bronze. Autant taper vite et sec. Voici le premier couplet :
"She's got a heart of stone that cares for nobody, Lips as sweet as sherry wine".
(Elle a un coeur de pierre qui ne s'intéresse à personne, et des lèvres aussi douces qu'un vin de cerises)
Vous avez bien compris, un blues repose sur des oxymores, une série doppositions. Comme le bronze, c'est un alliage, de cuivre et d'étain. Un mélange entre des sentiments contraires. Comme le bronze, il résiste aux frottements et le cyanure en augmente la dureté. Il dresse une statue de soi sans complaisance. Rappelle-toi que des mains grossières des sculpteurs et de leurs outils primaires, sortent des chefs d'oeuvres raffinés et subtils. A linverse, des machines à découpe laser, assistées par ordinateur, ne sortent que des pare-chocs ou des éviers. Il n'y a aucun rapport de similitude entre un outil et l'objet qu'il fabrique. Il n'y en a pas plus entre les douze lignes d'une chanson et les tonnes de commentaires sur les variantes de l'amour. Le plus rapide reste le plus efficace...
"And youre addicted so very quickly, you just have to look into her eyes..."
"Et t'es accro très vite, dés le premier regard...)
Le coup de foudre commence sans les mots, te secoue par le col, et te fait oublier ce qu'il faut dire. Dans un claquement de porte, il te lâchera un jour sur ton plancher couvert de pages arrachées à ton dictionnaire et de lettres non ouvertes. Le désarroi te coupe du sens des phrases. Le monde entier des mots veut te noyer. C'est bien sûr faux. Mais qui le sait quand on glisse dans la détresse? C'est par eux qu'est entré la traîtrise, cest par eux quil repartira. Une chanson nous plonge au fond de la piscine. Elle te permettra de prendre appui sur le sol et remonter en surface. Tout le reste met ta vie en danger
"She's an assassin of love, just an assassin of love..."
(C'est une tueuse d'amour, juste un assassin de l'amour....)
Là est la clef. Non seulement lautre veut te tuer, mais empêcher que lespoir revienne. Te rayer de la carte des amants. Ne juge pas un macho sur son apparence. Le blues moderne se décline au féminin et masculin, sans grands changements. De l'apparence et de l'être, de la frime et du paraître, du vrai et du faux, du vraisemblant au mensonge, la part de souffrance est commune. Plus tu es fort et plus le coup te terrasse. Plus tu es grande, plus il te plie. Plus tu as d'expérience, plus il te détruit. L'assassin de l'amour se nourrit de toi. Mais cest au cur même de sa force que se montre sa faiblesse. Il ne craint que lindifférence
Ne prenez pas cela pour une complainte, une lamentation de Job assit sur son passé.
Epargnez moi vos embrassades, vos bons conseils et votre zen.
Chantez moi une chanson de Willy de Ville et que ça revienne vite,
au milieu de mes statues de bronze.
Please, drive me home
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Ps) Pour la tradition, toute femme intéressée par le texte ci-dessus est priée de venir ce matin 10h 15 précise au salon de la musique, vêtue dune guêpière en massepain, et dun talon de satin en secours. Facile à reconnaître, je serais appuyé contre ma collection dascenseurs, un foulard en Kangourou sur la tête. Nous y ferons bon appétit.
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