Un de mes plaisirs favoris c'est de prendre mon vélo après une journée de boulot, et d'aller pédaler bêtement de tout mon saoul, les yeux rivés sur le pneu, et ne plus penser à rien. Ce jour là, pain béni, un joli sourire naturel et gratuit sur un visage d'ange, cheveux au vent dans un cabriolet rouge décapoté accapare mon attention et me fait oublier un instant mon pneu et la route.
M'a t elle remarqué ? je ne saurais le dire, il est vrai que j'ai l'air d'un playmobil avec ma tenue "tour de France", je la suivais des yeux et la regardais s'éclipser de mon horizon. Plutôt doué sur un vélo qui est une deuxième peau pour moi je ne sortis pas de ma trajectoire et filais tout droit dans un mur, la route, la traitresse tournait de façon conséquente.
Le virage, l'obstacle, la vitesse 36 Km/h qui n'est pas une performance que l'on retiendra pour cette histoire, mais l'arrêt fut quelque peu brutal. La chute de cette histoire me laissa sur le carreau.
Mon transport à l'hôpital en ambulance a du être rapide, je ne me rappelle que de Morphée dans sa blouse blanche qui me serrait très fort contre elle, ne voulant pas que je ferme les yeux et m'empêchait d'aller jouer avec Thanatos qui m'attirait en me faisant miroiter son beau ballon de basket.
Ensuite je ne me souviens plus de grand-chose, mon réveil fût euphorique, morphine et cocaïne sont deux surs jumelles nées sous le signe de l'apaisement et vous baignent dans la mer de la tranquillité quand elles vous sont servies du petit déjeuner jusqu'au souper.
Le neurologue responsable du service ou j'étais interné vint me voir un après midi pour m'expliquer la situation. Je venais de subir un traumatisme crânien, plus précisément une hémorragie méningée. Après trois jours de coma, mon cas n'était pas désespéré, l'hématome et l'dème sous-jacent s'étaient stabilisés et allaient se résorber dans les jours à venir. Le cortex moteur primaire était indemne et toutes les liaisons physiques et biologiques du faisceau pyramidal dans le principe étaient opérationnelles. Par contre le cortex moteur secondaire avait été endommagé, une grande partie des motoneurones avaient été détruits par ischémie , ce qui voulait dire que faute de système de pilotage mon corps était devenu végétatif. Il prit l'exemple d'une armée qui parfaitement entrainée et équipée, prête à donner l'assaut serait clouée dans son régiment, privée de tout commandement. En l'état actuel de la science il n'y avait rien à faire, et les probabilités d'améliorations étaient nulles.
Il me parla longtemps de ses travaux de recherche en neurosciences et des ses expériences sur la régénération des liaisons entre neurones, axones et synapses. Il avait réussit sur des groupes de souris qu'il avait décérébrées partiellement, à reconstituer une partie des liaisons en attribuant à des groupes de neurones plusieurs fonctionnalités de pilotage de motoneurones.
Il comparait le résultat de ses travaux à une table de mixage électronique pouvant piloter plusieurs canaux sonores à partir d'une seule source.
Il me proposa de lui servir de cobaye humain pour transposer les protocoles réalisés sur les souris à l'être humain, c'était l'unique espoir pour moi de pouvoir sortir du lit dans lequel je me trouvais depuis six jours et de remmener une vie presque normale.
Toute la subtilité de l'enjeu résidait dans le presque.
( A Suivre )
↧