Elles ne se regardent dans la glace que pour ajuster leur chapeau.
Ou pour cacher quelques cheveux échappés.
Elles savent que leur visage est terni et que leur peau est flétrie.
Elles en connaissent bien les taches brunâtres, les marques d'usure.
Elles sentent leur menton rejoindre leur cou.
Leurs paupières pèsent sur leurs yeux.
Leurs lèvres s'enfoncent dans leur bouche sans dent.
De profonds sillons creusent leurs joues et barrent leur front.
Elles portent sur leur visage la misère du monde.
Elles regardent le sol, elles avancent courbées.
C'est elles que je photographierai.
Je les approcherai, je leur frôlerai la main, je leur parlerai.
Je leur dirai que je suis là, tout près, toute prête.
Je leur dirai que je ne veux pas pleurer.
Je leur dirai d'où je viens et où je veux aller.
Leurs paupières se soulèveront, leur bouche s'entrouvrira .
Alors je capterai leur regard et leur sourire.
Je leur montrerai les photos.
Coup d'oeil furtif.
Elles découvriront leurs beaux visages de vieilles femmes.
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