En cette année 1958, je faisais un séjour de quatre mois dans un village de montagne dans les environs de Parme.
Un changement d'air pour la santé de mes deux petits nous avait fait choisir cette destination équivalente à la Provence, chaude et sèche, mais plus économique car le logement gratuit... C'était la maison de ma belle-mère qu'elle avait mise à notre disposition
Je ne parlais pas très bien la langue, mais je la comprenais et surtout n'ayant aucun moyen de communication, tout autour de nous était sujet à observation...
Régulièrement, nous étions visités par le boulanger, le boucher, l'épicier, le marchand de tissus et même parfois le quincailler.
Nous n'étions pas encore les sur-consommateurs d'aujourd'hui, donc c'était pratique et agréable ces commerçants venant jusqu'à notre porte...
Il y en avait un pourtant qui arrivait sans être attendu, c'était Vulpetto le colporteur...
C'était un petit bonhomme sec et nerveux, vêtu de vêtements ternes aux couleurs passées et portant un chapeau noir pisseux à larges bords...
Il vendait du fil, des aiguilles des boutons et de l'élastique, et aussi de la bonneterie qu'il transportait dans un grand coffre maintenu sur son dos par une large sangle de cuir et qu'il déballait sur la pas de la porte avant que vous n'ayez eu le temps de le saluer...
Il trainait aussi un ou deux sacs de jute qui contenaient ce que les gens lui donnaient... De vieux godillots, des vieux vêtements et toutes sortes d'objets qu'il récupérait ça et là, et qu'il laissait dans les granges où il passait la nuit...
Quand il arrivait aux heures des repas, les gens lui donnaient une assiettée de minestrone, une michette de pain et un verre de vin qu'il consommait assis sur le pas de la porte...
Si c'était au cours de la journée, les gens lui offraient un verre du vin de leur vigne...
Il portait aussi une musette gardienne de ses sous et de ses trésors, qui ne le quittait jamais et qui lui servait d'oreiller.
Vulpetto ne rentrait jamais dans les maisons, du moins on ne l'y invitait pas, car on le savait habile à chaparder... mais il était tellement malin, qu'il parvenait toujours à faire affaire sans bourse déliée...
Il n'arrivait jamais par la route, mais par le champ derrière la maison, ce qui lui permettait de repérer la bonne affaire à faire...
Un jour, le meunier en vue de boucher le vin de sa récolte avait lavé ses bouteilles et les avait mises à sécher le cul en l'air sur le hérisson... Cela n'a pas échappé à Vulpetto, qui en un tour de main en a subtilisé quelques unes qu'il a fourré dans un sac de jute... puis il s'est présenté timidement à la porte pour vendre ses articles de mercerie et de bonneterie... La meunière était une bonne cliente et généreuse, lui a donné un petit sac de farine... Comme il s'apprêtait à partir, Vulpetto lui a demandé si par hasard elle n'avait pas besoin de bouteilles et bien sûr pour quelques lires l'affaire fût conclue...
Ce n'est qu'en voyant que des bouteilles manquaient que le meunier a compris la supercherie...
Mais à ce jeu là, Vulpetto était imbattable... cela faisait le tour du village et tout le monde en souriait...
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