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POUR EN FINIR AVEC LES SITUATIONNISTES (1) par Jules Elysard

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Un tel propos peut surprendre de la part d’un individu qui n’en finit pas de revenir aux situationnistes. Et il aggrave son cas en parlant de situationnistes, et non pas du «situationnisme », qui est, comme chacun sait, une idéologie, dénoncée en son temps par Guy Debord, Raoul Vaneigem, Jean Pierre Voyer et Daniel Denevert. Dans LA VERITABLE SCISSION, Debord et Sanguinnetti lancent une mode : la chasse aux pro-situs. Comme le racontait une bande dessinée parue en 1978, je crois, un pro-situ peut se cacher sous l’apparence d’une séductrice qui détourne de son chemin l’apprenti situationniste orthodoxe. Mais si cette attitude avait un sens en 1972, quand il s’agissait pour les situs historiques de combattre « l’amère victoire » de leurs idées et de leurs façons de faire et de défaire (lettres d’insultes, jugements péremptoires, considérations intempestives), ce n’était déjà plus qu’une posture, voire une imposture en 1978. On connaît la boutade sur les trotskystes. Deux trotskystes, ça fait une organisation. Trois trotskystes, ça fait une scission. Quand se rencontraient deux apprentis situationnistes orthodoxes, chacun (et chacune) pouvaient légitimement suspecter l’autre de n’être qu’un « pro-situ ». Combien de couples se sont ainsi séparés au petit matin après avoir tenté de « construire une situation » autour d’une table, puis dans un lit, c’est ce que diront peut-être un jour les historiens du mouvement situationniste. Le premier numéro de leur revue, en 1958, s’ouvrait sous « l’amère victoire du surréalisme » et se fermait sur « l’effondrement des intellectuels révolutionnaires ». Ainsi, avant de s’en prendre aux pro-situs, les situationnistes s’en étaient pris aux « grandes têtes molles » de leur époque. Sous cette formule facile empruntée à Lautréamont, seront rangés, au fur et à mesure des ruptures, les débris du surréalisme, de l’université et des gauches françaises, parlementaires ou non. Cependant ils étaient, pour la plupart eux-mêmes, issus, soit de la mouvance surréaliste, soit d’une gauche plus ou moins marxiste (rarement de l’université). Ils ont donc fait preuve, avec leurs devanciers et leurs concurrents déjà sur le marché de la pensée radicale, de l’insolence de la jeunesse, voire d’une brutalité essentiellement verbale (leur terrorisme restait plutôt intellectuel). Parmi leurs victimes, on peut dénombrer Henri Lefebvre, Cornélius Castoriadis et Edgar Morin, ainsi que les revues SOCIALISME OU BARBARIE et ARGUMENTS. De ces comportements, on a pu conclure que les situationnistes étaient de droite puisqu’ils maltraitaient (verbalement) les représentants de la gauche, fussent-ils bolcheviks. On a pu croire aussi qu’ils méprisaient le peuple puisque qu’ils semblaient mépriser les militants. On a pu penser enfin qu’ils étaient élitistes. Ce dernier point est difficilement réfutable. C’est d’ailleurs la raison principale de la dissolution de leur Internationale en 1972. Leur mépris des militants était une conséquence logique de leur élitisme assumé (et aussi de leur éthylisme revendiqué). Mais ce mépris était aussi fondé sur une analyse de la situation historique où fleurissaient les chapelles trotskystes, quand elles n’étaient pas carrément maoïstes et où, donc, le militantisme pouvait passer pour le « stade ultime de l’aliénation ». Finalement, je reviendrai encore sur le sujet au risque de déplaire à celles et ceux qui sont devenus raisonnables. En attendant, pour celles et pour ceux qui ont la faiblesse de s’intéresser à un tel sujet, je conseillerai de commencer par la lecture de quelques livres : La réédition de la revue INTERNATIONALE SITUATIONNISTE De Raoul Vaneigem : Le TRAITE DE SAVOIR VIVRE A L’USAGE DES JEUNES GENERATIONS (1967) ENTRE LE DEUIL DU MONDE ET LA JOIE DE VIVRE (2008) De Christophe Bourseiller : VIE ET MORT DE GUY DEBORD (1999) (à suivre)

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