Je t'ai vu sous ce porche, penchée sur ton balai
repoussant les premières feuilles mortes
vers la grille d'évacuation des eaux
insistant lourdement pour qu'elle se glissent entre les barreaux.
Quel âge as tu?
Mon regard a saisi la charlotte sur ta tête,
l'imprimé fleuri de ta blouse
tes mollets parcourus de varices,
et la voussure de ton dos.
Quelle frénésie imprévisible,
par ce temps doux où je me promène
dans notre quartier.
Car je ne doute que tu y habites toi même.
Dans ce passage comme s'il était tien
où tu rassembles et repousses les feuilles
tombée en ce lieu vers la grille où elles disparaîtront
j'ai pensé à toi, je t'ai regardé et t'ai vu longtemps.
Par quelle magie as tu arrêté ma pensée ?
Tout est là sans rien dire
Cette frénésie qui n'a de sens que pour toi
moi qui parmi tant pourrait ne pas te voir
ni te penser femme ou personne,
Qui n'est pas chez elle mais habite mon regard.
Repoussant les feuilles comme on repousse la mort
cette énergie dit lendroit où est encore la vie,
comme un soubresaut de révolte, contre ce sens de rien, ce sens de fin.
Comment habite t'on le grand âge sans parler à personne
de ce drôle d'usage, balayer les feuilles mortes.
Ma vie a croisé la tienne sans que tu n'en susses rien
je marchais seule comme tu balayais seule,
et je t'ai rendu visite, comme à moi,
de mes 40 ans,
déjà.
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