Promenade sentimentique et poétale
Daucuns diront cest le fond du trou du cul du monde, moi je dis NON !
Cest là que ma vie a commencée.
Là que mes parents se sont installés quand ils se sont mariés en 1933
Là que nous sommes nées mes deux surs et moi
Là que nous avons vécus jusquen 1940, dans ce petit coin perdu au bord du Fier
où mon père électricien, travaillait dans lune de ces petites centrales électriques perdue au milieu des bois, qui jalonnaient le cours du Fier, et qui produisaient la fée électricité
Les centrales qui par-ci par-là suivaient le cours de la rivière portaient toutes le nom de « FORCE DU FIER »
La notre, celle de Brassilly, plus loin, celle de Chavaroche, et dautres encore jusquà ce que le Fier se jette dans le Rhône, juste après Seyssel.
Cest là aussi, quhier avec mon fils, jai fait un petit retour en arrière
Jaime de temps en temps, revoir ces endroits où jai vécue
une sorte de pèlerinage
Le temps était à la pluie, après cette longue période sèche, où la nature avait mis sa flamboyante parure dautomne, où le jaune des feuilles donnait une lumière intense sous le ciel chargé de nuages
Jai donc pris la route que nous faisions au temps de mon enfance, en commençant par Poisy, commune de ma naissance, qui a perdue son caractère agricole pour devenir une cité dortoir
Léglise où jai reçu le baptême, elle na pas changé, avec son clocher élancé dont la flèche fine est surmontée du traditionnel COQ
Puis vers Lovagny où après léglise, jai bifurqué sur la gauche pour descendre brutalement vers le cours de la rivière, laissant à mi hauteur, à droite « le château de MONTROTTIER » puis plus bas encore « LES GORGES DU FIER »
Et me voilà en pays de connaissance, la petite gare est maintenant désaffectée, ainsi que le bel hôtel début vingtième siècle, où nous allions nous désaltérer avant de prendre le train pour la ville voisine
Annecy.
Je continue par la petite route étroite mais goudronnée jusquau panneau à droite qui indique « barrage & centrale électriques ». La route soudain rétrécie, je traverse le petit passage à niveau aujourdhui automatique et dont la maison de la garde-barrière a été rasée
Je longe le canal qui alimente la retenue deau, puis, le barrage est là, minuscule par rapport à mes souvenirs, et la maison du gardien a elle aussi été rasée
Cétait pourtant une belle maison où vivait une famille de cinq personnes plus la grand-mère, avec un beau jardin autour, et des dépendances pour les chèvres, les poules et les lapins
Je continue la route serpentine qui remonte le cours du Fier à ma droite
Soudain, elle apparaît, blanche avec son toit dardoises, entourée de quelques pylônes, mais seule au milieu dun enclos grillagé
Je la reconnais avec au faîte du pignon son ouverture en demi-cercle, comme celle dune église romane
Sur les murs de côté, les marques encore visibles de « lécole »
la maison où je suis née, démolie elle aussi
place nette.
L « école » que mes parents avaient quittée pour laisser la place à linstitutrice venue pour enseigner aux enfants dans ce coin isolé
Place nette aussi, et là, la nature a repris ses droits et envahi lemplacement où était cette grande maison en L où les trois familles des employés étaient logées
Les Bard, avec six enfants, les Miffo avec un garçon et une fille de mon âge, et nous
cest dans cette maison là quest née ma petite sur.
Je la revois encore cette maison, car il y a une quinzaine dannées jy avais emmené ma petite fille. Le bâtiment était toujours là, désaffecté mais là
Le logement des Bard, face à la centrale, le notre dans langle avec sa petite cour où mon tas de sable était toujours là, et celui des Miffo au-dessus de notre cour, qui donnait sur le bois de pins
où plus loin ma mère avait sa basse-cour et sa corde à linge.
Dans ce paradis perdu, chacun élevait poules canards et lapins pour sa propre consommation, parfois une ou deux chèvres pour le lait et surtout cultivait un beau jardin
Lépicier et le boucher passaient une fois par semaine et le boulanger trois fois.
Le Fier fournissait le poisson qui paraissait sur la table plusieurs fois par semaine
Les femmes allaient à la pêche et faisaient leur menu en fonction de leurs prises. Grosse truite ou petite friture, cétait selon
Les hommes chassaient le lapin et le gibier à plumes.
La pinède fournissait les pommes de pin pour allumer le feu et était généreuse à la saison des champignons. Seul inconvénient dans ce microclimat, couleuvres, lézards et vipères y abondaient, mais la cohabitation avec les précautions dusage sest toujours faite dans le respect des uns et des autres.
Il ne reste plus rien de ce lieu de vie, mais la centrale est toujours là, et je suis persuadée quun jour ce petit hameau de Brassilly en bas, aujourdhui rayé de la carte retrouvera une seconde vie grâce aux énergies renouvelables
La vie, comme la mode nest elle pas un éternel recommencement ?
Bref, une belle promenade où mes beaux souvenirs sont toujours aussi vifs. Heureuse et riche de lavoir vécue il y a longtemps et hier revécue encore.
Capucine
Annecy le 5 novembre 2011
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