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Clydesdale par NurseryCryme

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Je me vois tout surpris du plaisir que je prends à écrire sur ce site. Je ne peux pas encore répondre à vos réactions, j'y réponds en préambule c'est la moindre des corrections. Merci, vos avis sont enrichissants et je les apprécie, qu'ils soient positifs ou négatifs. Récemment j'ai relu le fameux livre de madame Lafayette. La lecture de ce livre est un plaisir par la langue trés simple et trés recherchée en mème temps. Mème en français moderne il transparait de ce récit et des dialogues qui l'émaillent une grande pureté. Pourtant les démèlées des affaires de cour ne me sont pas familières. En effet on ne peut nier qu'à bien y réfléchir les personnages en présence ne semble avoir à faire qu'à vivre leurs affaires de coeur et sociales sans beaucoup de soucis triviaux. Monsieur de Clèves. Ce prince est du mème accabit que Nemours au début. C'est un gentilhomme attiré par la conquète. Sans doute est-il d'un rang plus modeste et d'une nature moins éclatante, mais il reste un prince de cour. Sa passion, ses sentiments, dirions nous de nos jours, pour sa future épouse sont d'emblèe extrèmement violents. Au moment où ils se marient elle ne lui est pas acquise en terme de passion. Ses sentiments à elle sont plutot de l'ordre de ce qu'on appellerait de l'amitié. Mais comme il ne veut que son bien à elle, il patiente et l'aime, lui, passionément tout en lui laissant le loisir de se développer, elle, à son rythme. Par la suite lorsque la passion contraindra madame de Clèves à une bataille contre elle-mème, il l'épaulera en souffrant le martyr. Ils ont formé un couple d'une force trés grande quelqu'en fut l'issue. Par comparaison de Nemours est moins respectueux. Il est aussi plus inconséquent. Il traverse cette histoire en en souffrant certainement mais c'est quand mème lui qui en sort le moins atteint, et aussi celui dont les actes ont les conséquences les plus négatives. Madame de Cleves s'accomodait de son mari, elle l'aime et l'estime, et se préparait à construire un bonheur vertueux. Le coup de foudre lui donne du relief. Le fait de perdre la raison pour un objet aussi peu respectueux de sa condition de femme nous la rend intéressante. Le roman et l'histoire n'existerait pas si le train de la vertu était arrivé à l'heure. C'est la lutte de madame de Clèves qui fait le noeud de l'intrigue. Se serait-elle couchée tout de suite, il n'y aurait eu qu'une couchade de plus à la cour d'henri II, qui n'en manquait pas. A la fin du livre on se sent quand mème un peu moins bète de se tourner les sangs et la tête pour une belle inaccessible. Et aussi un peu moins romanesque de ne pas savoir mourir pour elle. Mais le choix d'être romanesque n'est pas un choix délibèré. On ne se dit pas « tiens, je vais être romanesque aujourd'hui ». C'est une chose qui te tombe dessus comme un clydesdale sort des vagues au pas la crinière pleine d'algues. Au début tu ne vois que sa tête, un point plus fixe que le clapotement de ce jour de grand plat. Quand son cou commence à s'élever au dessus des vagues, il est assez proche pour que tu vois combien il est grand, et puissant. Quand enfin Son poitrail émerge en repoussant les flots, une vague déferle sur ses flancs. Le naseau écarquillé il bronche se cabre à demi pour finir de vaincre la masse collante de l'océan En ce jour jusque là si calme. Ses jambes avant battent l'écume devant lui Plus fort comme ils se dégagent, on dirait qu'il piaffe tandis que sa croupe fléchit dans un élan plus puissant. Enfin il surgit, s'arrache à la mer et s'élance au galop, c'est vers toi qu'il vient il te bouscule à l'épaule, tu chancelles, il te tend le cou, tu ne réagis pas il te pousse de la tête vers son garrot devant ta résistance il bronche et trépigne, tourne autour de toi la tête à ras de terre, comme un fauve qu'il est, en une reprise terrifiante de cheval guerrier. Il se cabre agitant au dessus de ta tête des sabots mortels, il hennit vers toi comme à guernica Tu ne bouges toujours pas stupéfiè, alors il te bouscule encore et t'assoit dans le sable le cul dans le sable les jambes écartées, comme un enfant. Il te tourne autour et te presse par coups de tête de te relever il te heurte plus fort et te déséquilibre sa queue au long crins mouillés et salés te fouette les joues et le cou, tout le visage, les épaules et la poitrine ta chemise est trempée et tu trembles il te pousse en avant, son front dans ton dos te réchauffe, c'en est presque rassurant, au moins ce n'est pas un coup, là Tu finis par poser une main devant toi, te plier en avant , t'appuyer par terre et sur un genou, le buste encore tourné vers la terre, tu gémis ta peur et ta perte, avant de jeter un regard face à toi il est là, il te regardes fixement de ses yeux grands ouverts dont tu ne vois pas le fond et dont la surface brillante te renvoies ton image déformée d'être soumis aux forces qui te dépassent, entre le sable mouillé et l'étendue froide des vagues qui s'agitent doucement sous un ciel tourmenté de nuages , le vent se lève, tes cheveux se plaquent sur ta bouche tu les écarte d'un doigt et léches tes lévres. Elles sont salées et légèrement douloureuses. Quand tu parviens à trouver la force de te relèver tel un vieillard sans sa canne il te tend le cou, le garrot, met en avant la jambe et l'épaule dans une invite à le monter toi à cru, sans guides, sur ce cheval sauvage dont tu sais déjà qu'il ne s'arrétera pas, que si tu acceptes tu seras son jouet consentant comme déjà tu l'es sans l'avoir voulu. Du jeu de Nemours, Clèves meurt et Clèves s'enferme à vie. C'était un temps où les vies duraient peu et ne valaient pas cher au jeu de l'amour et de la guerre. On peut écrire des romans volontairement, peut-on aimer à en mourir volontairement, peut-on le souhaiter pour quelqu'un d'autre ? Peut-on choisir de mourir autrement que dans la course du soleil et de la lune ? Est-on libre de naitre homme sur une terre qui porte notre passion en germe ? Meilleur vœux, et puis on verra. Milles excuses de cet emportement. Je suis un peu gris.

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