De-ci, de-là se promenait une virgule. Entre les mots,entre les phrases, elle sautillait, se faufilait, sans jamais prendre la place qui lui était réservée.
Têtue comme une virgule sans ponctuation, elle se refusait à donner un sens à ce à quoi elle était destinée. "Moi, je suis une virgule, disait-elle, mais je ne virgulerai personne, car je suis libre de ma ponctuation".
Quant aux autres ponctuations, elles commencèrent à manifester leur inquiétude. Que signifiait ce désordre dans les phrases, ne donnant plus de sens au texte ?
"Il suffit, virgule, ronchonna le Point, de sa grosse voix, reprenez votre place. A bouger comme un asticot, vous allez nous faire perdre notre sens de la ponctuation".
Mais la virgule se moquait bien de tout cela,et poursuivait sa balade entre les mots :"Virgule, virgule ! Oh, pardon ! Excusez-moi, virgule, virgule".
Le tiret tenta bien de lui faire un croche-tiret, mais il se retrouva en trait vertical. "Oh, et comment je fais moi, maintenant ?"
La virgule sema une telle zizanie que toutes les ponctuations en furent désordonnées.
Le point d'exclamation se chamailla avec le point d'interrogation, les guillemets avec les parenthèses, l'accent grave énerva l'accent aigu.
La cédille se décrocha de son C et alla se percher sur la barre du T, surpris par cette gymnastique inédite. "Eh bien, cédille, qu'est ce qui vous prend ?" "Oh, dit la cédille, ne râlez pas, Monsieur T, je voulais juste jouer à cédille perchée !".
Une véritable ponctuophonie commença à s'élever du texte, ce qui fit monter l'inquiétude des lettres, elles aussi soucieuses de ce désordre soudain.
Le A s'exprima à son tour "A ! A ! .... Alors !".
Le O se fit entendre lui aussi : "O ! O ! Que se passe-t-il ?"
Chacun et chacune alla visiter la place de l'autre. Le point fut désemparé devant l'indiscipline de tout ce petit monde bien curieux.
Mais brusquement, la virgule s'aperçut du véritable chambardement que causait son indiscipline "Mon dieu, mais il faut absolument que je revirgule après avoir tant dévirgulé".
Le calme fut difficile à revenir : les ponctuations avaient pris goût à aller visiter une place à laquelle ils n'étaient pas destinés. Mais le désordre n'a pas sa place, n'est-ce-pas dans les règles grammaticales ?
Le texte était tellement furieux qu'il obligea la virgule à reprendre les choses en main. Elle virgula tant et tant qu'enfin un semblant de silence lui permit de tenir ce langage "il faut à présent que chacun reprenne la place qui lui est destinée. Le texte n'aura plus de sens si nous ne restons pas à cette place".
Ainsi fut-il fait malgré quelques rebellions.....
Le texte très irrité de l'incident donna à la virgule cette phrase à copier 100 fois "J'ai bien retenu la leçon : je suis une virgule, et je virgule ce qui doit être virgulé".
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