Sur le site de rencontres « Points communs culinaires », j'étais souvent tombée sur des fous furieux et je commençais à me demander si je n'étais pas condamnée à les attirer et quelles forces occultes et souterraines semblaient les aimanter vers ma personne. Moi, l'amatrice de bonne chère et la collectionneuse de recettes, J'en avais presque perdu l'appétit, c'est dire.
J'avais dans un dernier sursaut accepté le rendez-vous d'un vieux nihiliste dans un café près de chez moi après bien des hésitations, hantée que j'étais par les déconvenues de mes dernières rencontres.
Il se pointa avec un peu de retard et après une étreinte que je ne pus éviter, il projeta sous mon nez son excuse à savoir vingt cinq centimètres de boudin (un quart de mètre tint-il à me préciser réussissant à m'interboliser) qu'il venait tout juste d'acheter chez son charcutier.
« Voilà ma caille, le repas de ce soir, manque plus que les pommes ! Tu m'invites ? » ajouta-t-il d'un air égrillard.
Attrapant l'affaire sans pinaillage mais ne sachant trop qu'en faire, je la déposais sur la table.
L'idée d'un tête à tête autour de ces vingt cinq centimètres de boudin ne m'emballant pas et la bravitude n'étant pas mon fort, j'envisageais soudainement le salut par la fuite.
Prête à inventer un prétexte quelconque, par exemple une histoire de phosphènes obstacle à un échange de vues, je fus sauvée paradoxalement par la vision d'une alliance à l'annulaire de mon fâcheux. Je lui dis que je ne mangeais pas de ce pain là et sautant sur mes pieds je décidais de rejoindre au plus vite mes pénates(*).
« Ah ! C'est qu'elles voient si bien, les femmes, en une seconde, la chose qu'on aurait pas dû laisser traîner! »
(1) Comme chacun sait Pénate est dérivé de "penus" qui signifie le "garde- manger"
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