Dédé lembrouille était un type pas catholique !
Cétait sans doute lune des raisons qui l'avait poussé à s'embringuer tout jeune dans la rapine.
«Lhabit ne fait pas le moine, mais, quand on a pas lintention dentrer dans les ordres, cela peut toujours servir !» se disait-il sur un ton goguenard.
Ses parents avaient pourtant placé de grandes espérances dans leur dernier rejeton, le destinant à une carrière administrative. Peine perdue.
Son père lui répétait souvent quil nétait pas bon à rien, mais, mauvais à tout... un vrai baltringue.
«Je srais jamais rond de cuir, loufiat, moi jamais !» hurlait-il quand la conversation avec ses vieux faisait monter sa tension.
Et pourtant aujourdhui ! Sa spécialité, le transports de fonds et les chantages divers et variés, les protections en tous genres, qui une fois le temps couvert, se transformait en extrême-onction. «Les voies du seigneur sont impénétrables !»
Tout le monde le craignait, et pourtant... il était aussi mince que la cibiche maïs quil gardait constamment vissée au bec, tirant dessus à sen faire péter une durite.
La fumée qui sen dégageait alors lui montait durant quelques secondes au visage, lui brouillant quelques instants la vue.
Remington était son ami, son partenaire, tac, tac, tac... pas la machine à écrire, non lautre, le revolver, les revolvers quil cachait un peu partout sur lui.
Dont un sous laisselle gauche, dans un étui en cuir pleine fleur, lesté de plomb. «La dézingue ça ne simprovise pas, cela se travaille, se peaufine, se bichonne...», un artiste le Dédé, un Picasso du six coups, une légende.
Enfin... il avait un petit défaut : il était chatouilleux et ne pouvait sempêcher de défourailler au moindre soupçon, à la moindre contrariété.
«Soupe au lait» était son autre surnom. Il valait mieux éviter de lui servir entre la poire et le fromage sous peine davoir à goûter quelques pralines avec le petit noir, celles du genre difficile à digérer.
A la moindre embrouille, il passait son doigt bruni par le tabac sous son blaze et la rue prenait des allures de ball-trap.
Ce matin, chose inhabituelle, le daron de sa cantine lavait appelé très tôt au bigo en chuchotant, lui demandant de se radiner fissa à la sacristie pour prendre une valise.
Ni une ni deux, il monte dans sa Facel, sassied avec un soupir de contentement dans le siège rembourré blanc cramoisi, chauffe-roubignoles et démarre.
Larticle était comac, le genre armoire normande sans les pieds. «J pourrais jamais la porter seul !»
«Faudra bien mon gars ! Je ne veux pas que le reste de la chorale soit au courant ! Seul le petit est mis au parfum !»
Ah Paulo, le fils du vieux, «Paulo la tremblote», surnommé ainsi par le tremblement qui lagitait par intermittence, une maladie nerveuse lui avait dit le toubib, «vous êtes surmené mon cher !»
«Tu vas me transporter le tout à lentrepôt sans faire desclandre ! Ce matin il ny a personne, voici la clé !»
Lentrepôt, lieu interlope si il en était, où le grisbi du vieux dormait à labri des regards indiscrets, tranquille, dans le velours, attendant de soulager ses vieux jours... sa caisse de retraite en somme.
«Cette fois, cest particulier, because, tu auras quelques billets, si tout se déroule comme convenu ! Sois prudent !» Le vieux savait le cave que pouvait être Dédé dans certaines circonstances.
Travelling sur les bras rachitiques de Dédé tirant son paquetage en soufflant comme une chaudière.
«Vlof !» La valise saffalait dans la malle arrière avec un bruit sourd et familier, le genre confortable, sécurisant, Dédé le sentait bien... celui du flouze.
Lentrepôt se trouvait à une volée de plomb du bowling, question de raccourcir les intermédiaires et déviter de faire trop de veuves lors des retraits ou des dépôts.
Dédé avant dentrer allume une Impérial Il fait nuit. Le quai est vide. Il tire la porte coulissante et sengouffre en ahanant, le dos voûté.
Aucune lumière. Il saisit son vieux briquet à mèche et savance entre les piles de cartons entassées et les machines à sous, quand soudain un bruit suspect dans son dos, le sort de sa torpeur.
Il se retourne. Sa clope rougeoyante crache un brouillard poisseux. «Putain, jy vois rien !»
Revolver en pogne, Dédé simpatiente, se passe un doigt nerveux sous le pif. «Ce matin, il ny a personne !» entend il encore.
"Tac, tac, tac..." - Cétait Paulo, ce con de Paulo qui avait tremblé une fois de trop, agitant frénétiquement avec un rictus ahuri les clés, sans moufter... labruti. Le coup était parti. Il était raide. Pauv Paulo.
Le vieux avait pris soin de donner la clé de lestancot, mais, pas celle permettant douvrir la valdingue et de placer loseille dans le coffre.
Et Dédé, pour une fois quil allait palper de lartiche. Il ne lui restait plus qu'à dire adieu à l'héritage.
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