Ne me demandez rien. Ni son nom, ni son origine, ni son poids, ni sa taille, ni sa couleur. Je ne lai pas choisi. Cest lui. Il se trouvait là, au bon moment, pile poil. Par hasard. C'était pendant la semaine des soldes. Une sacrée aubaine. Il avait une belle gueule, et puis, je l'ai trouvé bien, large, un peu carré, bien fichu. Impressionnant. Je nai pas hésité longtemps. Jai craqué. Littéralement. Je ne regrette pas.
Il est plutôt tactile et très doux dailleurs. Jaime bien. Ca se passe bien avec lui. Facile
Il mapprend beaucoup, il sait tout. Enfin presque. Si je le titille un peu pour savoir quelque chose, aussi sec il me donne la réponse avec une rapidité à vous couper le sifflet. Impressionnant je vous dis. Lumineux aussi. Cest un plus.
Avec ça, discret. On ne lentend pas beaucoup. Juste un petit soupir de temps à autre. Quand je deviens exigeante avec lui, à insister encore et encore pour obtenir ce que je veux. Il finit toujours par obtempérer. Avec élégance.Cest appréciable.
L a quun truc quest pénible. Vraiment.
Cest quand il cherche une réponse, ou quil lui vient une idée, il se met alors à râler
.Et ses soupirs, il ne peut pas sempêcher. A chaque fois, il se laisse aller ou je ne sais quoi, comme un abandon, un oubli, et à ces moments, ça me gêne tout de même de devoir dire une chose pareille, même si on se connait un peu vous et moi, cest délicat, à ces moments là, il dégage une sorte dodeur désagréable que je nose reconnaître
.Je sais bien quil est tout nouveau, et quil faut quil se rode un peu et shabitue à la vie en communauté. Pour le moment on nest que nous deux, mais quand y aura de la visite, faudrait tout de même quil puisse sabstenir. Sinon je serais très mal à laise
Cest bête cette histoire parce que de lautre côté
..( comme quoi les choses ne se passent pas toujours comme on voudrait), quelque chose me tracasse
Cest dans ma salle de bains, mes toilettes plus précisément, qui sont comme vous limaginez un haut lieu de détente, de repos, de spiritualité et de lecture, et qui en conséquence, inspectées et choyées quotidiennement, plutôt deux fois quune, sont un havre de paix ( !) , de bonheur et de propreté. Longtemps je les ai parfumées avec les fonds de mes trop anciens et dédaignés flacons, un Dillor presque toxique -mais je lui ai laissé sa chance-, un Guerfin trop fleuri, un vieux Patchouli Pataugas de chez Bonnard , odeurs dencens et cire antique, une eau de toilette à la pomme verte de chez Dans le fond dun jardin, qui jadis me transporta démois du temps de ma jeunesse
Bref, lassée de ces gourmandises trop sucrées ou parfois vénéneuses, jai opté récemment pour un diffuseur de parfum de la dernière génération, bien que je napprécie guère daseptiser ma maison avec ces effluves artificielles et synthétique de brise marine ou de muguet sauvage, que je soupçonne de gravement nuire à nos bronches déjà bien malmenées ! quà cela ne tienne, un essai en promotion pour trois euros six cents, avec recharge et compagnie, qui me permettrait comme le stipulait la notice de constater de" nasu" que la vie valait la peine dêtre vécue !
Et automatique en plus, avec un véritable détecteur dodeurs, qui se déclenche au moindre soupçon, avec une discrétion de majordome anglais, ponctuellement, comme un métronome, à chacun de vos passages, ou au moindre courant dair, sans aucune intervention de votre part, comme par magie, un petit miracle de la technologie moderne.
Gageons que bientôt le détecteur détectera si vous avez besoin dune douche ou si votre chemisier nécessite une petite lessive.
Cela dit, je ne suis pas ingrate. Je rends grâce à Airveet chaque matin, de la faveur quil fait à mes toilettes de leur dispenser généreusement cet ersatz de pure délicatesse !
Mais tout de même ! être ainsi espionnée car cest le terme qui convient - dans ces moments graves dintimité, par un vulgaire diffuseur de parfums et tolérer ainsi sans mot dire, ce petit flic de clic systématique et diffamant qui jette à chaque fois sur vous lopprobre et le rouge à vos joues
.( !) non, cela est insupportable !
Jai donc décidé de déplacer ce veilleur insatiable, de l'inviter désormais au salon, et de le rapprocher de lautre magnifique récent objet de mon désir , de celui parfait en tous points mais qui hélas mais il parait que cela grâce au ciel ne durera guère- soupire en exhalant de ses entrailles microprocessurisées et pixellisées, cette odeur piquante au nez , parce quil est tout neuf et encore tout ému davoir quitté le Geppetto électronicien qui la conçu, mon bel ordinateur, mon ami, mon frère, je men vais de ce pas lui coller- dans le dos pour ne pas le vexer- ce témoin vigilant qui saura tempérer en un clic les jeunes ardeurs et les senteurs nauséabondes de cet impétueux moteur pas encore débridé.
On me dit quun cactus ferait bien leur affaire ! Entre eux. Pour quils se sentent bien ensemble.
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