Médias, personnages politiques et conversations de café du commerce ayant été accaparés ces derniers jours avec un instinct grégaire infaillible par le sujet lancé par une blonde candidate à la magistrature suprême, jai découvert avec étonnement que tout le monde avait une connaissance approfondie et informée de la pratique de labattage rituel dans les abattoirs français.
Halal ou pas halal, tel est à lheure actuelle le sujet politique essentiel qui semble devoir déterminer lissue de la prochaine élection présidentielle.
Et voilà quaujourdhui même, je découvre quil serait possible de sortir du dilemme par le haut, et même de régler par la même occasion un cas de conscience dans lequel je me débats depuis que je suis en âge de penser.
Eh oui ! Lomnivore pensant que je suis, dans la longue lignée de lévolution primate sur terre, ne peut pas sempêcher daimer à la fois le gigot printanier et lagneau gambadant dans les prés, les yeux de velours de la génisse et le rôti de veau.
Je men tire au prix dune hypocrisie assumée, digne des Normands à la cour dAngleterre, désignant leur cheptel sur pied par son nom dusage saxon et les mets dans leur plat par leur appellation raffinée normande. Bref, je dissocie soigneusement la bestiole vivante et laliment dans mon assiette au prix dune gymnastique intellectuelle sous laquelle perce parfois linconfort moral.
Comme je ne suis visiblement pas la seule de cette obédience, je constate quun anonyme bienfaiteur a financé un programme de recherche pour concilier enfin lamour des animaux et celui de la bonne chair. En plus, cela réduit les émissions de gaz carboniques et favorise donc le développement durable. Un authentique bienfaiteur, je vous dis !
Le produit de cette recherche serait sur le point de sortir. Seul petit problème à régler pour linstant : le hamburger proposé va coûter deux cent cinquante mille euros (mais rien de grave : le suivant devrait voir son coût réduit de 20% !).
La viande est en effet créée à partir de cellules souches dun animal donné, il suffit de prendre le bon ADN (buf, cochon, canard, agneau etc.). Le premier hamburger proposé est donc issu de cellules de muscle dun buf nourries dans du sérum ftal dun veau (ne me demandez pas pourquoi).
Le chercheur Mark Post à lorigine de la manipulation a annoncé à la presse le 20 février 2012 à Vancouver quil montrerait cet hamburger en octobre, ce qui laisse augurer une date de péremption au-dessus de toute espérance. Mark Post nest pas un pêcheur de poisson davril mais un médecin qui dirige le département de physiologie de lUniversité de Maastricht.
Ces pistes, explorées depuis six ans, pourraient déboucher sur une solution intéressante pour lutter contre la faim dans le monde, et contre la malbouffe car il serait possible dinclure dans le produit fini à peu près ce quon veut, comme des oméga3, par exemple.
Si « les tissus produits ont exactement la même structure que les originaux », il restera à sassurer que les qualités gustatives sont également identiques. Le chercheur na pas encore précisé sil avait suffisamment de candidats gastronomes pour réaliser des protocoles de test fiables.
A ces petits détails de réglage près, on peut enfin imaginer rêver dun monde où lagneau se couchera avec le lion, où lhomme vivra enfin en gloire dans la paix dune création réconciliée.
Mais une question me traverse lesprit : si la viande est dorénavant produite en laboratoire, y aura-t-il toujours des troupeaux pour animer nos prairies ?
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