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J'm'attendais pas à ça! par Live_and_let_live

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(je précise qu'il y a certes quelques relents autobiographiques dans cette chronique, mais que c'est avant tout une fiction) J'aime pas les surprises. J'ai besoin de savoir où je mets les pieds. Persuadée d'avoir été condamnée dès le berceau au célibat jusqu'à ce que mort s'en suive, c'est avec un intérêt strictement sociologique que je m'étais inscrite sur un site de rencontres populaire, avec une photo peu flatteuse, type sortie-de-lit, une annonce aux accents volontairement désabusés, affichant sans vergogne ma fâcheuse tendance à ces prises de tête qui font fuir 99% des gens que je côtoie, hommes et femmes confondus. Bref, j'étais persuadée qu'en affichant un profil aussi anti-publicitaire, je serais exemptée du harcèlement que subissent la plupart des nouvelles venues un peu mignonnes. Afin de mesurer quantitativement et qualitativement le taux de réponses masculines, j'avais créé un profil parallèle, avec une photo de moi "déguisée" en femme qui s'assume, une petite bafouille enjouée, bref, une version de moi-même que j'estimais très vendeuse, donc très mensongère. Les modérateurs du site n'ont même pas relevé. Un de mes rares interlocuteurs m'a demandé si ma sœur n'était pas aussi inscrite... avant de me proposer un plan à trois. No comment. Mon profil commercial marchait nettement mieux que le "naturel", mais j'y allais peu, car je n'avais aucune envie de faire croire à un de ces pauvres bougres que la fille délurée qui lui plaisait tant était potentiellement la femme de sa vie. Peu à peu, je me suis surprise à me montrer particulièrement détestable par le biais de mon alter-ego. Et mon profil véritable lui, demeurait muet. Ne sachant au final pas trop quoi faire de mes conclusions, je me suis résignée à ce que je subodorais depuis longtemps: ce n'est qu'en étant un mensonge ambulant que je pouvais espérer être acceptée dans la ronde des candidats à l'amour. Très peu pour moi. Je préférais une franche solitude à une mascarade ridicule, et épuisante, juste pour faire comme tout le monde. Allez, zou! Exit le faux profil!... Alors que je m'apprête à faire de même avec le vrai, je suis victime de ce que je crois être une hallucination : j'ai un message ! Quelqu'un veut discuter avec moi!? Aussitôt une petite lanterne rouge s'allume dans ma tête : attention, attention! C'est sûrement encore un de ces types complètement désespérés prêts à vider leurs burnes dans n'importe quoi qui ressemble de près ou de loin à un sexe féminin. Je ne résiste pas au plaisir pervers de dégoûter un homme de plus de la gent féminine –oui, je sais, c'est très mal, je nuis effroyablement à la cause des femmes, etc. Par curiosité, je regarde le profil du candidat au rembarrage. Et les maigres infos révélées me coupent toute envie d'être désobligeante. Pas d'annonce, ni de photos, mais des loisirs et des centres d'intérêts peu communs, sans compter un pseudo original qui dénote d'une culture certaine. Oubliant que je ne suis pas là pour me laisser séduire, mais au contraire pour tuer à tout jamais l'espoir insensé d'être un jour aimée pour ce que je suis, voilà que je devise allègrement avec un illustre inconnu. Des heures et des heures. Je lui demande son numéro de téléphone avant même sa photo. Très vite un rendez-vous. Très vite aussi, je sens chez cet homme des blessures très vives et une âme généreuse sous la pudeur un peu bourrue du self-made-man qui a bataillé dur pour s'arracher à un funeste sort et à qui on ne la raconte pas. Et qu'il est reposant de tomber le masque sans craindre d'être rudoyé, rejeté. Qu'il est bon de se faire un ami, un vrai! Aïe. L'ami en question, après un après-midi ludique à jouer au Monopoly, me prend dans ses bras, m'embrasse et me dit qu'il m'aime. Le pire, je vois dans ses yeux et à son attitude qu'il est on ne peut plus sincère. Que faire, mes aïeux, que faire ? Je me traite de triple idiote, maudissant mes foutues idées d'expériences sociologiques sur des sites de rencontres. Et ce pauvre chéri, guettant de moi une réponse, que lui dire qui ne le blesserait pas terriblement ? Paniquée à l'idée de le faire souffrir, et tout autant d'être prise à mon propre piège, je consulte ma meilleure amie pour ses conseils avisés. Dans sa grande sagesse, elle me conseille de lui dire sincèrement que les choses n'avancent pas au même rythme pour moi, de laisser le temps faire son œuvre. Rien n'empêche de continuer à se fréquenter. Qui sait ? Peut-être me découvrirais-je amoureuse au bout du compte, et plus solidement que dans une passion certes plus ébouriffante, mais trop éphémère et pas assez réciproque pour me combler. Pourquoi pas ? Mais un malaise est très vite venu se glisser entre nous. Il me gâte-pourrit au-delà de mes moindres desiderata, en échange de quoi, faute de mieux, je joue les bonnes petites épouses-au-foyer. Pour qui connaît la bête allergique aux tâches domestiques que je suis, la chose est fort surprenante, pour ne pas dire incongrue. L'amour m'aurait-il transformée, comme dans un conte de fée? La bonne blague! Chaque fois que je le regarde, je vois un homme que bon nombre d'entre vous, mesdames et mesdemoiselles, se damnerait pour avoir. En bonne propriétaire de trésor qui se respecte, je me refuse de le partager. Et lui, en bon amoureux fidèle et obstiné, refuse à toute fin d'envisager de regarder ailleurs, pour trouver brave épouse et surtout, bonne pondeuse. Mon besoin d'être mère, il y a longtemps que j'en ai fait le deuil, pas question de rouvrir une plaie qui m'avait à l'époque pratiquement coûté mon envie de (sur)vivre. Ni ma gynéco, ni mon généraliste ne comprennent que c'est par amour pour ce bébé que je désire tant que je renonce à lui donner naissance. Je refuse absolument d'être la cause des malheurs de la chair de ma chair, par pur égoïsme, pour étancher ma soif d'amour absolu. Lorsqu'on me complimente sur la bonne mère que je serai "le jour où mon tour viendra", je dois souvent me détourner pour dissimuler mes larmes, de honte, de chagrin, d'amertume et de regret. Si je m'étais imaginé qu'un jour, paralysée par ma terreur de faire souffrir quelqu'un pour qui j'ai la plus haute estime, probablement aussi par une certaine forme de lâcheté, j'aurais accepté de construire un couple aussi bancal, que ce serait moi la récipiendaire d'un amour à sens unique. Je ne vois que deux options: reprendre mon envol solitaire, et détruire le peu de confiance qu'il a en l'être humain, le condamnant lui aussi à un célibat choisi par peur de souffrir à nouveau. Ou rester jusqu'à ce qu'il s'aperçoive de lui-même que l'herbe est plus verte et plus féconde dans le pré d'à côté. Non, vraiment, je ne m'attendais pas à ça…

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