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Famille, je vous hais ! par Jules Félix

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Il y a tout juste un an, Liz Taylor franchissait tranquillement le Styx. L’avantage de la disparition d’une star, c’est que tous les médias se mettent en branle, quitte à évacuer en quelques minutes catastrophe nucléaire et guerre libyenne, pour ne parler que de "la" star. Avec quelques bonus comme la rediffusion, le jeudi 24 mars 2011 sur France 3, d’un film très connu que je n’avais encore jamais vu malgré un titre alléchant, "La Chatte sur le toit brûlant", film américain sorti le 28 décembre 1958. Autant dire que cela ne nous rajeunit pas : vieilles voitures américaines, couleurs quasiment archéologiques, et …jeunesse d’acteurs que je n’ai connus que …disons, moins jeunes. L’histoire est en fait une comédie familiale, avec très peu d’espace sinon le cadre d’une maison pour une fête anniversaire. Le film emprunte beaucoup au théâtre (la pièce de Tennessee Williams), ce qui fait que l’essentiel réside dans les paroles. Il y a donc déjà un couple, Liz Taylor (la belle-fille également belle fille) et Paul Newman (le fils préféré). Ce sont les héros. Les jeunes stars. Paul Newman y est éclatant avec ses yeux bleus perçants et ce côté dévalorisant et faible qui en renforce l’émotion. Liz Taylor est la jeune femme sûre de son charme, de sa beauté et aussi de ses intérêts, mais trop amoureuse de son mari, Paul Newman, pour aller voir ailleurs. Il y a ensuite les autres acteurs. Ce beauf grassouillet (le fils aîné), avec son épouse pondeuse, et leurs cinq marmots, bientôt six. Ils n’ont pas le beau rôle : ils sont attaqués de toute part. Ils ont réussi, ils ont des descendants, ils veulent hériter, ils pensent au fric. Normal. Notons que Liz Taylor appelle l’un des rejetons "Sans cou" parce qu’il est un peu trop potelet si bien que son cou rentre dans son menton. Il y a aussi les grands-parents, la grand-mère, un peu cruche sur les bords, et le grand-père, appelé "Père chéri" même par les brus (!), joué par l’acteur Burl Ives qui, à mon sens, est le meilleur comédien de cet excellent film, qui a obtenu un Oscar un peu plus tard. Enfin, il y a quelques figurants dont le médecin, un peu ectoplasmique, livide et transparent. Le film devrait ravir ceux qui exècrent les réunions familiales (ce qui n’est pas mon cas). Car visiblement, ce n’est pas l’amour du prochain qui caractérise la famille Pollitt : espionnage, commérage, insulte, avarice, mensonge, hypocrisie… La réunion a même tourné en un jeu de la vérité effrayant qui remet en cause tous les fondamentaux de certaines existences. Le grand-père est très riche : parti de rien, il a réussi à la sueur de son front à bâtir un empire avec le coton. Fortuné, propriétaire de terres riches et étendues, il a été un entrepreneur froid, sans pitié, se moquant de ses employés comme de sa famille. Il n’a jamais aimé son épouse mais a fait semblant. Et le voici qu’il découvre qu’il a une tumeur cancéreuse et qu’il n’en a plus pour longtemps. Enfin, ce n’est pas lui qui le découvre, il est le dernier à le savoir, ce sont les autres, son entourage, un peu vautour sur les bords, qui le sait à l’origine. Le fils aîné, avocat, a déjà rédigé un papier pour l’héritage. Un peu trop vite. Et notre héros ? Paul Newman. Le pauvre, il est beau, intelligent, a la préférence du paternel, mais il est au chômage, sportif raté, en pleine dépression et a sombré dans l’alcoolisme après le suicide de son meilleur ami (dans la pièce inspiratrice "Cat on a Hot Tin Roof" de Tennessee Williams, il aurait même des tendances homosexuelles que le film n’a jamais effleurées). Et surtout (d’où le titre du film), il n’honore pas sa femme. Liz Taylor en est furieuse pour deux raisons : elle est une chatte en chaleur (et sait miauler à l’occasion, miaaaââawwww), et surtout, elle ne peut pas, du coup, être mère et assurer la descendance (et en quelque sorte, l’héritage). En plus de cela, le héros s’est cassé une cheville en faisant le guignol une nuit d’alcoolique. Ce film aborde de nombreux sujets très graves avec beaucoup d’audace pour l’époque : l’alcoolisme, l’amitié versus l’amour, les disputes familiales, la réussite sociale versus l’amour (l’amour ne s’achète pas, ni celui d’une femme ni celui d’un père), le cancer (le dire ou pas au malade ?), les querelles de succession, et même l’euthanasie (de la morphine pour abréger la douleur terrible), pour finir en relation particulière père-fils (sur trois générations, le père du patriarche ayant finalement quelques points communs avec le fils adulé). C’est évidemment une caricature d’une certaine haute bourgeoisie des affaires. Le ridicule surajouté de la famille nombreuse du fils aîné renforce la beauté physique et morale du couple Newman/Taylor. Malgré une petite inquiétude à voir Paul Newman jouer l’estropié alcoolique trop longtemps, pas une seule minute je ne me suis ennuyé à regarder cette petite pépite cinématographique. Enfin, comble de l’excellence, ce film de 1958 n’a pas pris une seule ride plus de cinquante ans après. C’est le signe d’une œuvre assez universelle que je regrette de ne pas avoir vue plus tôt. Miaaaaouuwwwwww !

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