Pourtant j'aurais voulu savoir te consoler de cette petite pluie froide qui te tombait dessus te réchauffer la nuque j'aurais voulu pour protéger le chaud du cou le chaud le tendre pour le protéger de cette impression d'être vieux d'être fragile de ce vent glacé qui soufflait obstiné se glissait là où j'aurais voulu que seuls mes baisers et mes doigts doux glissés et mon souffle tiède.
J'aurais voulu rester près de toi la nuit tu conduis fatigué mais je suis près de toi je te lis des poèmes avec ma lampe frontale et pouvoir croire que rester près de toi ça te protège de tout danger, le dos fatigué la fatigue la vue qui se brouille et cet il irrité et la fatigue plein les bras ou dans les reins cette douleur lancinante.
Comme à Ostende et comme partout
Quand sur la ville tombe la pluie
Et qu'on s'demande si c'est utile
Et puis surtout si ça vaut l'coup
Si ça vaut l'coup d'vivre sa vie
Et repartir rouler de nouveau de jour cette fois la pluie la route le camion la fatigue j'aurais voulu chanter ou lire la suite de ce petit bouquin léger pour sourire de ce coup de vieux. Et du café dans la thermos.
Et puis aussi j'avoue j'aurais voulu être très jeune ou très jolie ou d'un charme indicible d'une élégance folle ou tout ça à la fois ou n'importe quoi qu'ont parfois les femmes et qui fait les hommes se redresser. Pas peu fier très content de soi cette belle femme à son bras à son cou ou à son/
Et vlan ça te leur fiche un coup de jeune un brin de bombé dans le torse de cambrure beau mâle et de ventre frrrrt effacé. Trop joli.
La barmaid avait dix-huit ans
Et moi qui suis vieux comme l'hiver
Au lieu d'me noyer dans un verre
Je m'suis baladé dans l'printemps
De ses yeux taillés en amande
(Mais moi même plus la beauté du diable toute ma beauté se résume à la grâce éphémère d'avoir joui, si bien, de toi, mais tu ne la vois pas. Ou parfois d'être si solidement campée dans ce que j'aime et la plante du pied ancrée au sol en prise avec le monde, son énergie sa joie sa beauté.)
Ou alors être la femme pleine d'énergie et d'enthousiasme auprès de qui tout est facile et qui s'active tout le temps et en un tournemain hop hop vous emballe mille petites difficultés pratiques aplanit les programmes les organisations la logistique et tout le tintoin si bien que youkaïdi youkaïda on se sent comme un ado en colo ou comme Yves Montand avec Paulette mais non soyons lucide ça non j'aurais pas voulu. Moi c'est aussi l'incertitude et l'équilibre précaire jamais gagné pas vraiment rassurant toujours à la limite de la maladresse et "solutionner" le mot décidément et la chose même je les trouve moches.
Non plutôt j'aurais voulu juste rester encore à jouir de toi encore et encore de ta main de ta bouche encore de ta queue encore rien que pour cette lueur là dans ton regard pour cette fierté d'amant magnifique
(rien que pour ça faut pas charrier pour cette lueur oui mais pour moi aussi pardi pour cette gaieté qui me prend alors cette gaieté tendre cette joie)
Ou aussi ou surtout j'aurais voulu encore encore que toi toi que tu jouisse de moi et crie de plaisir et cette jeunesse dans ton regard ah là tu t'en fous de savoir si tes cheveux ta fatigue ton corps plus ceci moins cela j'aurais voulu juste ces moments là quand tu n'y songes pas oui c'est ça quoi de plus consolant que faire l'amour ?
On voyait les chevaux d'la mer
Qui fonçaient la tête la première...
Mais tout le temps on ne peut pas je sais.
Et que penché à la fenêtre devant le ciel ce matin ton épaule contre la mienne je t'aurais montré les moutons là-bas à la lisière du pré d'Armand sortant en vrac de la bergerie les brumes le crachin l'odeur des jardins mouillés le coin de ciel bleu qui s'élargit peut-être toi tu aurais su prendre une photo de tout ça mouillée presque, et sentant le printemps et la laine mouillée (mais de très loin).
Et d'entendre clocher le troupeau dans l'air léger ça t'aurait fait venir et moi aussi les larmes aux yeux mais douces, la nostalgie.
Mais voilà que tout au bout d'la rue
Est arrivé un limonaire
Avec un vieil air du tonnerre
A vous faire chialer tant et plus
Tu vois je n'ai rien que du passager du fugace une caresse un peu de soleil un bol de café la surface du monde et quelques un de ses replis mais pour ce qui est de consoler l'inconsolable le nombril de tristesse le ressac de chagrin qui cogne la coque le noyau de désespoir muet qui brise la voix au détour d'une phrase et la fatigue de vivre comment veux tu.
http://www.ina.fr/divertissement/chansons/video/I00009389/leo-ferre-comme-a-ostende.fr.html
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