Amies, amis : A la veille des législatives de ce mois de juin il est certainement grand temps de nous interroger sur les valeurs profondes qui motiveront nos votes.
Il est dores et déjà certain quen questionnant lHistoire politique de notre belle nation nous y trouverons quelques réponses et idées à méditer, et aussi quelques candidatures hautes en couleur qui brillèrent de mille feux mais aujourdhui presquoubliées des mémoires et des manuels.
Aussi vais-je proposer une brève série de courts portraits de politiques dont les pensées pénétrantes pourront donner plus de matière au débat, pourfendre la pensée unique et vivifier la chose politique.
Dabord lun des plus généreux (si ce nest le plus philantrope de tous) : Adolphe Bertron, le candidat humain.
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Adolphe Bertron, (devenu, par la grâce dune inspiration de sa cervelle quelque peu détraquée, Adolphe Bertron Liberge des Bois) né au début du 19è, candidat-omnibus, défenseur du monde entier, participe à partir de 1848 à toutes les élections possibles, dans tous les lieux possibles, sollicitant toutes les fonctions possibles, locales, législatives, sénatoriales, présidentielles, au grand dam de sa femme et de sa fortune personnelle.
A ces multiples occasions ce personnage étonnant se révèle dabord un précurseur : il est le 1er homme politique à comprendre limpact de limage, faisant produire massivement son portait daguerrotypé quil colle sur chacune de ses professions de foi avant de les distribuer aux passants, lors de divers scrutins.
Il se présente lui-même ainsi : « Adolphe Bertron, Le Candidat Humain et seul candidat de lhumanité, agriculteur-horticulteur, ouvrier tourneur amateur, industriel, couronné de divers concours nationaux et internationaux, industriel, fondateur de plusieurs maisons de commerce, négociant.. »
Elaborant ses idées partout mais prodiguant principalement ses bienfaits à Sceaux, il y possède sa résidence dété baptisé « palais de lhumanité », domaine dont il a fait garnir les murs de clôture darbres fruitiers en espalier, vignes, fraisiers (treillage en fil de fer de son invention) pour que les gens humains puissent se rafraîchir ».
Il est donc surtout le candidat des humains, et considère tout adversaire comme un négateur du bien.
Féministe militant en diable il propose dabord un vrai droit de vote universel pour tous et toutes, puis, approfondissant sa pensée, lélection dune assemblée de sénatrices : 100% féminine.
Balançant invariablement déchecs en échecs (le plus cuisant à Bordeaux où il arrive au dernier moment par train rapide alors quil ny connait personne : 7 voix), raillé par toute la presse qui voit en lui un aliéné, il se déplace constamment pour briguer toute investiture là où un siège se libère.
En 1867, il écrit même au peuple mexicain : On dit que vous voulez absolument un Roi : prenez moi, je ne suis pas de race royale mais seulement propriétaire à Sceaux dans le département de la Seine. Jai extrait de lhuile de la boue parisienne, je saurais si vous mhonorez de votre confiance, faire sortir lordre le plus parfait des bas-fonds de lanarchie mexicaine.
Il finit par être élu après 30 ans dactivisme forcené, en 1877, dans sa bonne ville de Sceaux qui lui offre un titre de conseiller municipal. Il donne en retour le parc de son palais de lhumanité à la commune après avoir établi un projet de morcellement et de construction de logements qui portera son nom : la cité Bertron. Malgré cela (ingratitude !) il ne sera pas réélu en 1881 : beaucoup damis mais peu délecteurs !
A sa mort en 1887 un journaliste écrit :
Nous avons perdu le candidat humain, les périodes électorales seront bien ennuyeuses ! Dans les partisans de tous les régimes il voyait des Français, dans les habitants de tous les pays il voyait des Hommes ; je souhaiterais sa folie à bien des sages.
--QUELQUES ANNEXES - 3 EXTRAITS D'AFFICHES LORS DE DIVERS SCRUTINS (à lire absolument)--
« Français, peuples de lunivers
Napoléon III : Comment cet empereur na-t-il rien tenté auprès du candidat humain pour sinstruire sur ce quaurait fait Adolphe Bertron, le seul candidat de lhumanité ? Il aurait pu prolonger son règne mais la fatalité a voulu quil succombât à Sedan.
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) Tous les Césars de la terre nont jamais valu mon chien nommé « César ». Ah ! quel bon animal, sa fidélité était à toute épreuve et, à mon avis, un bon chien vaut mieux que tous les César. (
)
Le candidat attend donc un mandat pour parler à la tribune législative. A vous tous, son cur et son temps il nen demande pas davantage pour assurer la sécurité au monde entier »
Elections législatives de 1876.
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« Aussitôt mon élection validée ma première proposition aux élus de France serait de diviser la chambre en 2 parties : du côté gauche les humains, du côté droit les inhumains (sil y en avait), pour nous connaître et nous compter ;
la seconde faire le vide autour des inhumains pour les conquérir à lhumanité ;
la 3è abroger toutes les lois et en promulguer pour assurer la perfection humaine en tout et pour tout ;
la 4è : amnistie générale ;
la 5è rendre à lhumanité « tout »
etc »
Elections parlementaires secteur de Paris 1877
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« Sexe masculin, vrais usurpateurs etc, etc, etc, des droits du sexe féminin qui nous charme et qui nous aime, vous nêtes que des demi-souverains, des impuissants !!!...
Qui allez-vous élire sénateur ? Qui vivra verra mais si vous le voulez votez dès demain UNANIMEMENT pour le candidat humain Adolphe Bertron Liberge des Bois
Gouvernement unique du globe terrestre, vrai suffrage universel des 2 sexes, suppression de limpôt cruel du sang par limpôt sublime de labondance !!!
Lor est une chimère ! Suppression de toutes les monnaies
Expérience Patience, passent science qui terre a guerre aura.
Nb tous ces comités délections ne sont que des corrupteurs du sexe masculin : CE SONT DE VRAIS BORDELS. »
1885 Elections sénatoriales département de la Seine
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Sources :
- Votez Fou : Anthologie de lhistorien Bruno Fulgini
- Société d'histoire locale : les amis de Sceaux
- Quelques documents de la Bibliothèque nationale de France en ligne http://gallica.bnf.fr/
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