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Où sont passées mes sandales ? par Capucine7434

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Clin d’œil à Abicyclette. 1945... C'était l'année de mes dix ans... Une grande année à marquer d'une pierre blanche... La guerre était finie et les prisonniers enfin libérés étaient rentrés dans leur foyer. Enfin, ceux qui avaient survécus à cette terrible seconde guerre mondiale... C'était toujours les restrictions, mais ma mère, avec une pièce de cuir qu'elle gardait depuis des années, nous avait fait faire, à mes deux sœurs et moi, par le cordonnier du village de magnifiques nus-pieds... Le bouif avait dit : " Elles seront inusables avec un cuir de cette qualité,.. Si vous avez un vieux pneu de bicyclette, je vous renforcerais la semelle avec des pièces de caoutchouc"... "Et puis ça changera des galoches* ou des Couic*". J'ai donc pu chausser mes belles sandalettes en cuir naturel, le dimanche de la Pentecôte de cette année-là... Elles étaient superbes avec leurs trois brides qui traversaient la bride perpendiculaire qui longeait le dessus du pied de la pointe jusqu'au coup de pied, et que venait rejoindre la bride ornée d'une boucle d'un côté, et qui à l'autre bout, réglable grâce à quatre petits trous, enserrait la cheville. J'étais heureuse et fière avec mes sandalettes, et mes pieds bien aérés pouvaient enfin respirer. J'étais chez mes grands-parents, où mon oncle rentré d’Allemagne au début Mai, dans un triste état, se refaisait une santé avant de reprendre son travail à la SNCF... Ma grand-mère le dorlotait tant qu'elle pouvait, lui faisant des laits de poule reconstituants, satisfaisant tous ses désirs pour adoucir ce vécu difficile de prisonnier qui l'avait mis à mal et lui avait aigri le caractère, à tel point, que lui que j'adorais et qui me le rendait bien avant la guerre, ne me supportait plus.... Était-ce de la jalousie ?... personne, sauf lui, ne se plaignait de moi, et je voyais ma grand-mère résignée et n'osant le contredire alors qu'elle avait fait tout et plus qu'elle ne pouvait, et elle n'en pouvait plus... Les choses se passaient toujours lorsque mon grand-père n'était pas là, et ma grand-mère ne lui en parlait pas. Il était devenu tellement désagréable avec tout le monde, qu'un jour n'y tenant plus moi- même, avec un calme olympien je lui ai balancé : -"On était bien plus tranquille quand tu n'étais pas là"... Personne n'a pipé mot, un silence lourd s'est installé et mon oncle est sorti... Ma grand-mère m'a grondé, mais tellement mollement que j'ai compris qu'elle ne me donnait pas vraiment tort...M'expliquant qu' il fallait prendre patience, laisser passer le temps pour qu'il retrouve sa santé... Comme par magie, le calme était revenu... Ce dimanche de juillet, après la grande toilette, coiffée et lavée de frais, j'ai enfilé ma robe blanche, des socquettes blanches et... et... et,... -" Mémée, je ne trouve pas mes sandalettes, où les as-tu mises" ? - Je ne les ai pas touchées, elles sont là où tu les as rangées... J'ai eu beau les chercher, de sandalettes pas, j'ai enfilé mes Couic et j'ai fouillé la maison partout de la cave au grenier, ce n'était pas possible qu'elles se soient volatilisées... Ma grand-mère ne disait rien, mais elle devait se douter de quelque chose... Et puis, l'été est passé, ma mère est venue me chercher justement le jour où mon oncle a quitté la maison pour reprendre son service à la SNCF... Et comme par miracle, mes sandalettes avaient repris leur place dans le bas de l'armoire ... Non seulement mes pieds avaient macérés tout l'été dans les Couic, mais l'été suivant, mes sandalettes étaient trop petites, et c'était vrai, comme avait dit le bouif, ''elles étaient vraiment inusables"... Capucine7434 16/06/2012 *Galoche : genre de bottine à lacet avec empeigne en cuir et semelle en bois... que nous portions l'hiver. *Couic : genre d'espadrille en toile avec une semelle moulée avec des résidus de caoutchouc pour pneu...

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