Ca a commencé comme dans la chanson de Piaf : ils sont arrivés se tenant par la main.
Il demande à voir le rayon des livres grands caractères, il la guide, je crains quelle ne se cogne aux diverses tables, un vrai parcours dobstacle, un terrain hostile.
Sa jambe est tordue comme son visage, son corps ressemble à un tronc darbre noueux déformé par les vents, et la mauvaise fortune. Ca fleure bon lAVC.
Très vite il comprend que les grands caractères ça nira pas. Il semble en colère. Cétait une grande lectrice vous savez. Cest une grande lectrice, il corrige.
Je propose daller voir mon collègue spécialiste du livre numérique, je sais que ma proposition déplaît. Elle gémit de déception, il serre ses doigts dans les siens. Elle aime tant le contact du papier.
La liseuse ça nest pas possible non plus, ses doigts peinent à faire sur lécran le geste qui permet dagrandir les caractères et quand elle y parvient ce sont quatre mots gigantesques qui saffichent, quatre mots quelle narrive pas à lire.
Ils sortent déçus. Ils reviennent.
Elle est trop triste de partir sans rien, il ne le supporte pas.
Les livres audio peut-être ? Il y a beaucoup de nouveautés, des essais, des romans, de la poésie, on cherche ensemble en fonction de ses goûts, ils arrêtent leur choix sur « les chaussures italiennes » de Mankell.
Elle est heureuse. Elle couvre sa main de baisers. Il se détend, enfin il entrevoit pour elle, un chemin, une nouvelle fenêtre sur le monde.
Elle sarrête dans les escaliers alors quils descendent, je sais que cest difficile, elle dit dans un souffle. Il répond, en lui prenant le menton et en la regardant dans les yeux. Non. Tu es mon amour.
Je les regarde sortir sous un soleil brûlant, serrés lun contre lautre comme ils étaient venus. Je mesure l'immensité de leur amour. Jespère les revoir.
↧