L'épouvantail
Une ombre sétendait sur un champ de luzerne,
Etait-ce un homme ? Il dit : « Je suis là et je berne,
Les becs qui trop gourmands, corneilles et corbeaux
Ne voient dans mes cheveux ne danser que flambeaux
Qui ne brûlent jamais et dont le feu des flammes
Sagite au vent et sont, pareil aux oriflammes ».
« Ma foi ! » dit lhomme nu, « je ne suis quun jouet,
Bannière ou éventail, vieux drapeau, un fouet !
Vois, jai de si longs bras et ma tête est difforme,
Ils mont pour galurin offert en haut-de-forme,
Ne suis-je donc pour eux quun repoussoir à freux ?
Un chapeau dont losier me gratte et cest affreux !
Car je ne peux bouger, cest dur, cest un supplice
Quand se pose un oiseau sur mes hardes, se plisse
Mon sourire figé. Comment faire autrement ?
Pour chasser, je suis beau, vois mon accoutrement :
Mon dos est un balai et prolonge ma jambe,
Si je ne marche pas, il suffit que jenjambe
Dun simple et doux regard, le pré qui coule « aux pieds »,
Je sais, je nen ai quun, cependant, je massieds,
Lorsque descend la nuit, là, pour frotter mon crâne,
Suspendant mon labeur, je mallonge et me fane
Dans le jaune et le vert et sous le ciel si bleu,
Je rêve de voler à mon tour et par jeu,
Jécarte mes longs doigts qui seffritent, craquèlent,
Mes mains battent, mon dieu, voilà que jai des ailes ! »
Il pleut...
Il pleut
! Des gouttes, vois
des larmes en fruits mûrs,
Les arbres giflent fort le ciel au teint dardoise,
De tuile et sous le vent, lombre se fait chinoise,
On devine les pas quand sécrasent les murs.
Quand londe vibre et lair, sappesantit, tournoie.
Cest un cur qui sébat et pense : « Je suis seul !
Cest à peine si mon reflet fait un linceul,
Un mouchoir où verser les eaux où je me noie ! »
Des enfants à pieds joints
sautent, le sol trempé
Scintille et prend lodeur - « Jouons à la marelle ! »
Un, deux, trois, quatre et cinq - du pinceau daquarelle,
Aux fenêtres, le gris se suspend, agrippé.
Le temps semble figé, chagrin et irritable,
Aux rigoles des fleurs longent les caniveaux.
Les nuages, troupeaux, de moutons et de veaux,
De lions, de soufflets font des châteaux de sable.
Les rues dansent sous leau au bal des faux-semblants,
A lenvers du décor, les songes que lon froisse,
Se gondolent - certains - vont se perdre et langoisse
Au bord des flaques
rit, les poursuit tout tremblants.
↧