Je le regarde évoluer dans l'espace clair de la cuisine, il sourit tout en "s'affairant tranquillement", va vers l'inconnu des placards, ouvre, referme, cherche et trouve. Une incursion vers le frigo. Il prend des notes aussi sur un petit calepin. La recette miracle ? le breuvage de l'éternelle jeunesse ? la potion du parfait "lâcher prise" ?.... No lo se.
Et c'est bien cela qui est excitant, je ne sais pas ce qu'il mijote, dans sa tête et dans cette cuisine. J'éprouve un mélange d'admiration pour son apparente détermination, et d'agacement fébrile à ne pas savoir ce qui se trame ici. A être hors du coup.
Mais tout cela se fait si gentiment, avec une telle évidence, que, alors que d'habitude je ne suis jamais à court d'arguments, de questions, et d'ergotages divers, et bien, moi, je laisse faire.
Je ronge mon frein, ça c'est sûr, mais je m'applique à conserver une aura de calme, à la visualiser (l'aura) qui s'étend de mon visage à mon corps, pour être sûre que rien d'autre n'émerge, et surtout pas une alerte tornade.
Il est beau cet homme, avec son léger enbompoint qui signe le personnage sympathique, le bon vivant mais sous contrôle tout de même. ça ne déborde pas, ça jovialise.
Il chante maintenant, me demande entre deux "la fleur que tu m'avais jetée, dans ma prison était restée...." où j'ai bien pu mettre le sel, et en ai-je seulement ? hein ?
Je voudrais bien tenter un "l'amour est enfant de bohème" en lui montrant le fameux sel, que bien sûr, j'ai. Tout de même ! ... On a beau être MLF, très sur le retour comme je le suis, on a un minimum de gestion de l'intendance, ah mais ! Mais maman m'a toujours dit que j'avais un joli petit filet de voix (j'ai toujours apprécié cette mention : petit filet...) mais que je chantais singulièrement faux. Donc je renonce à jouer ma Carmen et je lui tends le sel. Même qu'il y a le choix : sel fin, sel de Guérande, gros sel... l'est pas époustouflé le monsieur ? Ben non...
Bon, je décide l'initiative engageante : dresser une jolie petite table pour deux, sur le balcon terrasse, avec nappe sur la table en fer style maison et jardins, jolis couverts... et même, tiens, des bougies, tout en comptant sur mes libellules solaires, au coucher du soleil, pour lui en mettre plein la vue... au gars.
Je n'ose pas poser cette question, qui, personnellement, m'a toujours angoissée quant elle m'était adressée "qu'est ce qu'on mange ce soir ?". Ah ces hommes et ces enfants qui se tournaient vers moi avec cette question existentielle !
"Mais je n'en sais fichtre rien de ce que l'on va manger ce soir. On va manger ce que vous allez faire, voilà ! et je n'ai pas le monopole de la cuisine, et c'est pas parce que.... et patati et patata.... je n'ai pas passé 1/2 heure en tout, certes, et pour tout, sur les barricades rue Soufflot en 68, pour entendre toute ma vie "qu'est ce qu'on mange ce soir ?".
Non, c'est trop dur, insupportable ... Moi je veux : sous les pavés la plage ! et faites l'amour et pas la guerre, voilà. Avec les fleurs dans les cheveux et hippy pis hourra. Tout le reste est accessoire.
Bon, trêve de discussions moi avec Moi ou mon surmoi. Encore que, sur moi, j'aimerais bien ! ça fait longtemps que... sur moi ou dessous d'ailleurs... Mais je diverge... non, je m'égare, c''est plus neutre, et dix, c'est beaucoup surtout après une période de grande disette.
Je veux bien faire la petite main, je demande qu'il ordonne... Du moins pendant 1/4 d'heure, faut pas s'emballer non plus. Les carottes ? est ce bien raisonnable ? ... qu'est ce que je veux dire ? rien, bien sûr que je vais les éplucher et les râper, les carottes... encore que, peut être que l'on aurait pu faire autrement ...
ça commence à mijoter dans les casseroles, ça sent bon. Le soleil vient flirter avec l'horizon, qui s'arrête à la colline en face. Les libellules solaires commencent leur show ! merci. c'est kitschement sympa.
Il s'approche, sourit, me tend le verre de vin qu'il vient de servir. Il fait tourner le sien dans la lumière, le hume, me dit d'attendre un peu avant de goûter. C'est que moi, je n'en peux plus d'attendre... Mais je fais comme si j'étais docile. Au début je fais toujous ça ! Après je surprends...
Il fait doux, l'été fait lui aussi comme si, c'était l'été... On y croirait, comme à une belle histoire qui débuterait, où chacun trouverait sa place sans la chercher. L'évidence. C'était lui, c'était moi.
Soupirs... L'imagination ça sauve souvent.
Bon, c'est pas tout ça, qu'est ce que je vais manger ce soir ? Allez, bouillie au gout petit beurre, avec lait de soja. J'hésite ensuite entre Greys Anatomy (pas sûre du titre) y'a aussi "plus belle la vie", un passage par la Maison des secrets.... Encore que, j'ai acheté "La philosophie pour les nuls", c'est bien aussi, et puis ça se lit par tous les bouts....
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