La vie avançait pour moi, Bd Brune, ou ma grand mère exerçait l'honorable métier de concierge....loge sur cour ou je jouais souvent seule en compagnie de ma tortue Caroline.
Colette Renard et Cora Vaucaire gueulaient à la TSF et Pierre Jean Vaillard faisait marrer mon grand-père.....j'avais de grandes espérances, je voulais devenir poinçonneuse de tickets de métro...que de confétis perdus que j'aurai pu conserver...ça me perturbait et aussi Gainsbourg qui chantait déjà : le Poinçonneur des Lilas..Pépé faisait des bateaux en papier qu'on mettait dans le caniveau....il me disait que ça voguait vers l'Afrique...il avait en lui le souvenir brulant du Maroc et des fruits qu'on y trouvait, des oranges si juteuses et des "mousmées" aussi dont il me parlait à voix basse....j'étais allée demander à Mémé ce que ça voulait dire et il s'était pris une sévère avoinée.....
Une enfance bien parisienne : mes parents...absents au bataillon..... pourtant il parait , mais je n'en ai pas gardé tellement de souvenirs, que je les voyais tous les dimanches...je me souviens de ma mère, en manteau de fourrure qui me disait : "enlève tes mains, tu vas me salir"...je me souviens des épaules (et oui...) de mon père qui me trimballait en haut, d'où je voyais le monde...de son eau de toilette discrète et de ses mains..souples et soignées, de sa calvitie précoce que je malmenais, en faisant mine de rien......
j'ai du aller à l'école...cahiers bien blanc avec des lignes, encrier, plume sergent major un peu dure pas ma préférée....il fallait que je m'applique à faire des lignes de lettres sans bavures.....couleurs sur des dessins de volcans : Tazieff allait me brancher plus tard.....j'ai le souvenir de Mémé qui emplissait son encrier d'une bouteille à goulot, de l'odeur de cette encre violette et aussi celle du savon noir qu'elle mélangeait pour aller "faire ses escaliers".....je me souviens de la loge ou le poêle ronronnait l'hiver et du "parabolic" quand elle me lavait les cheveux, pour que je n'attrape pas froid....des piafs que mon grand père ramenait toujours pour qu'on les sauve...je suis imbattable sur les piafs à restaurer et sur les chatons nouveaux nés.....il y avait aussi des cerises dans un sac en papier rien que pour moi et Piaf dans le poste.
et puis, un jour, tout a changé....
j'ai perdu l'entre deux guerres.....
Je me suis retrouvée à Morsang, chez "les autres".....mon grand père, Bon Papa, quel qualificatif usurpé, me regardait méchamment en me disant : j'en ai mâté des chevaux et toi, ce sera pareil..pareil que quoi? il courrait après moi qui courrais autour de la table...au début, je croyais que c'était un jeu, comme avec Pépé qui courrait après moi, Bd Brune quand je me sauvais car il passait trop de temps au bistro et que j'en avais marre....en russe "bouistro" ça veut dire Vite!!! nous, on y passait vraiment "un certain temps", beaucoup de temps, un temps certain, trop.......
Bon Papa aimait l'ordre et ne m'aimait pas...j'étais petite et moche , pas comme ma cousine Marie-Hélène, fille de Marie-Thérèse sa fille préférée, une jolie poupée avec un teint de porcelaine translucide et des yeux bleus de myosotis...et puis, ma mère était "une païenne" disait il , qui n'allait plus à la messe depuis qu'elle avait épousé "ce type", un mécréant...entre Pépé, du Bd Brune qui disait que sa mère "était une peau de vache" qui le battait avec son battoir de lavandière et là, ou on me parait de bottes de paille , j'ai toujours détesté la campagne.....
A table, c'était encore pire...là ou Mémé faisait une super cuisine qui sentait bon, Bonne-Maman, le souffre douleur de son mari, n'arrivait jamais à faire quoi que ce soit de mangeable...j'atterrissais régulièrement dans l'escalier avec mon assiette qu'on me sommait de terminer...si Pipo le caniche était dans le coin...l'affaire se passait bien...sans ça, des heures et des heures à essayer d'avaler : la vie....j'en voulais pas, je la vomissais....
Mon amour des animaux , ça vient de Pipo et de ma solitude...lui seul savait m'écouter et quand nous partagions les marches de l'escalier, je lui disais : "parle moi, je ne le dirai à personne...."
Bon Papa, qui avait été adjudant de cavalerie, avait souvent un couteau a la main et il me demandait d'allonger mes doigts.....
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