Je tai fait un dessin, regarde :
Là se trouve la ligne la plus proche de moi, tracée par lécume le long de la plage, et plus loin celle de lhorizon parfaitement uniforme.
Au centre, deux individus de sexe indistinct nagent lun vers lautre, du moins est ce ainsi que je les vois et c'est ainsi qu'ils apparaissent sur le dessin.
En réalité, si je me rapprochais, je verrais que ces deux nageurs se déplacent sur des lignes parallèles qui ne se croisent pas et ne se croiseront jamais.
Et si je me rapprochais encore plus, je constaterais quils sont si loin lun de lautre quil ny aucune chance pour que non seulement ils se croisent, mais quils aient seulement conscience de la présence de lautre.
Il est sept heures du matin, je suis seule sur la plage et j'ai fini mon dessin. Comme je ne sais plus quoi faire je regarde les deux nageurs en train d'aller l'un vers l'autre.
Leur crawl est gracieux, silencieux, élancé, du moins est ce ainsi que je les vois car si je mapprochais deux très près, jentendrais leur souffle et leurs battements de cur.
Et si je rentrais réellement dans leur intimité, japprendrais des tas de choses sur leurs existences qui seraient sans doute assez semblables à la mienne.
Si je devenais si proche deux que je connaisse la somme détaillée de toutes leurs expériences et de tout ce quil ont vécu, alors je réaliserais quils ne correspondent pas du tout aux êtres aquatiques et légers qui se rapprochent lun de lautre sur la mer et sur mon dessin.
Je voulais dire quelque chose à propos de ce dessin mais jai oublié ce que cétait.
Et puis ça ma revenu ce matin. Jai pensé que Dieu, auquel je ne crois pas mais que mes aïeux, leurs enfants et leurs petits enfants ont tenu en très haute estime pendant si longtemps, il me semble que ce dieu là est assis quelque part si loin de tout quil voit comme moi des gens qui vont les uns vers les autres dans des mouvements empreints de grâce et de sérénité, sans crainte et sans fatigue, et qu'il se repose paisiblement sur le sable avec lassurance que ce quil voit est une vérité absolue.
Cela dit, si jamais il existe, j'espère qu'il n'entendra jamais ce que je suis en train de te dire, car il comprendra alors son erreur et cherchera certainement à se rapprocher de nous.
Je n'ose alors imaginer sa déception.
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