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Rêve et réalité des seventies (le rêve) par Sablaise1

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Huit années s’étaient écoulées depuis mai 68. Nos élans révolutionnaires étaient retombés, nous avions compris à quelle sauce la société allait nous manger et quitte à être mangés nous nous voulions plat de résistance. Nous résistions à tout en bloc: à la consommation, à l’éducation traditionnelle, au couple et au monde du travail, car à cette époque il y avait encore du travail. La consommation On ne parlait pas encore de décroissance mais du matin au soir le plus naturellement du monde nous consommions le moins possible. Les filles faisaient l’année avec deux jeans, deux tuniques de cotonnade indienne et pour les mois froids deux gros pulls tricotés main avec de la laine de récupération. Aux pieds la même paire de sabots faisait l’hiver avec chaussettes, et l’été sans. Un peu de henné sur les cheveux et de khôl pour souligner les yeux , il n’en fallait pas plus pour être belles. Pour les hommes et les enfants c’était pareil moins le henné et le khôl. Pas de frais de coiffeur, on raccourcissait nous-mêmes nos cheveux longs. On habitait tous dans des maisons sans grand confort meublées avec des caisses en bois et des blocs de mousse recouverts de tissus indiens où flottait un léger parfum d’encens et on roulait dans des vieilles dodoches bricolées de partout. La nourriture était simple et très saine. Il n’y avait qu’un médicament pour tous les maux : l’argile en potion, pommade ou cataplasme. L’éducation traditionnelle Beaucoup n’étaient pas mariés, certains comme moi l’étaient mais pas question de se replier sur sa petite cellule. On ne vivait pas vraiment en communauté mais on était toujours fourrés les uns chez les autres et on s’occupait ensemble le jour d’une bande d’enfants qui avaient l’âge de la maternelle mais ne la fréquentaient pas. Nous avions tous lu « Libres enfants de Summerhill » et voulions plus tard une école différente pour nos enfants, en attendant nous les élevions avec le moins de contrainte possible. Pour ceux d’entre nous qui mettaient quand même certaines limites, ce n’était pas toujours facile d’accepter que les enfants des autres n’en aient pas. Je me souviens d’un petit bonhomme à tignasse blonde qui avait entrepris de tartiner sa purée sur toutes les meubles de ma maison et de ses parents m’empêchant de « freiner son élan créateur ». Ensuite, lorsqu’il s’était emparé d’une de mes bandes dessinées et l’avait déchirée en me regardant bien en face, ses parents souriants m’avaient obligeamment informée qu’il cherchait à me dire quelque chose… Le couple Notre groupe était essentiellement formé de couples même s’il y avait toujours un ou deux invités surprise ramassés en stop ou qui débarquaient à l’improviste, mais de couples où chacun se voulait libre et là aussi ce n’était pas toujours facile à vivre. Car une chose était admettre en théorie que son mec ou sa nana était parfaitement libre d’aller voir ailleurs, ce sur quoi nous étions tous d’accord. Une autre était de garder bonne contenance quand l’aimé au cours d’une soirée vous tournait le dos et n’en finissait plus de s’intéresser à sa voisine et que, pour finir, ils vous annonçaient tous les deux avec un sourire désarmant qu’ils avaient décidé de passer la nuit ensemble et quittaient la pièce. Pour être en accord avec vos idées vous arriviez à vous fendre d’un sourire en retour et à garder la face devant les autres mais quand vous vous retrouviez seul(e) dans votre chambre, ce n’était plus drôle du tout. Le travail On en trouvait encore facilement et on pouvait quitter le sien dès qu’il vous lassait, ce qui arrivait généralement assez vite. Dans notre groupe les filles prenaient un travail lorsque la situation devenait critique et le gardaient le temps d’amasser une petite provision qui garantisse quelques mois peinards. Les hommes pointaient au chômage et s’occupaient des enfants, parfois ils achetaient une masure en ruine et travaillaient ensemble à la retaper, puis la revendaient en faisant un bénéfice. Il y a prescription donc je peux ajouter que pour certains la fauche apportait un appoint non négligeable, ils fauchaient de la nourriture, des vêtements, des matériaux de construction sur les chantiers mais aussi parfois du superflu. Je me souviens d’un jour particulier, c’était mon anniversaire. Une joyeuse bande venait d’arriver avec un coffre plein de denrées, de bouteilles et de cadeaux tous de provenance douteuse et, comme je les accueillais dehors, j’ai vu arriver à pied un dernier invité hilare portant le portemanteau perroquet de l’ANPE qu’il venait de subtiliser pour me l’offrir. Comme d’habitude la soirée avait dû être animée et se prolonger par d’interminables discussions, une fois les enfants couchés un peu partout sur des matelas de fortune. Peut-être est-ce ce soir là que nous avons décidé de partir tous ensemble vers le Sud… A suivre : Rêve et réalité des seventies (la réalité)

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