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J'ai pris du speed par Placid_et_muzo

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Hier soir, j'ai fait un speed dating. J'avais emprunté le métro. Des vandales avait forcé le guidon de mon scooter, touchant la direction. Sur le coup, j'avais pensé à l'inspecteur Harry avec son Smith & Wesson dans les mains et son 'Come on make my day', et puis je me suis dit que, déjà, j'avais pas l'accent et que j'étais beaucoup moins beau que lui. Pour me consoler, j'ai tué pour de faux de vrais zombies sur mon téléviseur Je ne me rappelais plus de l'odeur suspecte qui règne dans le métro. A vrai dire, cela ne me manquait aucunement. Une jolie brune portant un t-shirt noir Chanel m'a souri. J'ai trouvé ça très étrange. Je me suis regardé dans la vitre de la rame pour vérifier si j'avais pas une feuille de laitue collée à mes incisives. Quand je suis rentré dans le bar qui organisait cette soirée, j'ai eu une boule au ventre, mais je ne pouvais plus reculer, mon collègue Daniel m'a aperçu de loin et m'a fait signe. C'était trop tard pour fuir le monde. Après les présentations du maitre de cérémonie des règles de jeu sur un ton plein d'emphase, me voila attablé face à ma première Date de la soirée, une fille pas moche mais qui hait le monde (plus que moi). Ce qui me fait peur. Elle est aigrie, conne, imbue de sa personne, méprisante et m'envoie des gentillesses du genre 'mais tu ne comprends rien … ', 'tu dis n'importe quoi …'. Je pense à nouveau fortement à Dirty Harry. J'ai chaud et j'ai envie de repartir en Irlande du côté de Doolin, respirer à plein poumons l'air de la mer, voir enfin ce satané dauphin. Je m'entends dire, malgré mon désarroi, 'c'est sympa cette soirée tu trouves pas ? '. Une phrase débordante de répartie, qui prouve que je suis de bonne compagnie, et qui fait de moi un modèle idéal de sociabilité. D'ailleurs, au cours des pots au travail, je suis toujours le premier à me précipiter sur les cacahouètes salée et à me souler au mousseux éventé et également prêt à discuter des émissions de télé réalité avec tous les asociaux du service, apeurés de devoir affronter la foule et de disserter de la pluie et du mauvais temps quand vient leur tour de se confesser. La deuxième Date est une fille coincée, triste comme peut être Paris un dimanche de juillet sous la pluie. Une nana qui doit manger des comprimés de Tétrazépam comme des Smarties devant sa sérié télé préférée. Rien ne l'étonne, rien ne la passionne, elle est blasée comme un cafard. Une météorite pourrait s'écraser à dix centimètres de ses godasses, qu'elle s'en ficherait. Elle est tellement molle que j'ai une envie folle de lui mettre des baffes et de lui tirer les cheveux pour la réanimer. Au lieu de ça, au tintement de la cloche, je me suis surpris à dire 'ben c'était trop cool de faire ta connaissance, à une prochaine'. Finalement, je pense que j'aurais fait une carrière prestigieuse à Pole emploi ou au standard de Détresse Amitié au côté d'Anémone et de Thierry Lhermitte. La fille me lâche un regard noir, l'air de dire 'me prend pas pour une conne, et te fous pas de moi, je connais personnellement Harry, alors fais gaffe à tes fesses' Le temps d'aspirer bruyamment une gorgée de Fanta orange avec ma paille argentée et de classer avec précaution mes p'tits papiers, sur lesquels j'ai coché des croix et mis des petite annotations et dessinés de petits bonhommes chargés de m'accompagner dans cette dure épreuve, je m'installe à la table d'à côté et je vois Anna qui ne me reconnait pas. Il y a quinze ans, je la trouvais déjà splendide, avec son léger accent de Roumanie. J'étais souvent au fond de l'amphithéâtre à envoyer des avions qui survolaient les étudiants pour atterrir sur l'estrade. Moi et mes collègues d'alors, on accompagnait le vol de nos engins en papier par de doux sifflements. Je voyais alors la nuque blanche d'Anna. Elle se retournait parfois pour croiser mon regard, avec un si joli air d'agacement. je n'ai jamais osé l'aborder car je trouvais à l'époque, qu'elle était trop bien humainement pour moi, trop sage pour le mec de banlieue que j'étais, avec mon coté rustre, mes baskets noirs Fila et ma cicatrice au bas de la joue. Je faisais pâle figure à coté des autres étudiants issus du Vésinet ou de Boulogne Billancourt, vêtus de leur chemise Arrows et d'imperméable Burberry qui leur donnait une prestance certaine. Avec mon crane rasée, je ressemblais parfaitement au Dernier Empereur en jean baggy. Un beau jour de printemps, après d'interminables recherches et une enquête approfondie, j'ai trouvé son casier de TP et j'ai glissé une lettre. Ma sale manie d'écrire déjà, mon seul mode de communication déjà. Je m'étais installé dans le jardin du Luxembourg, tôt le matin avant la cohue. J'avais trouvé une place au soleil avec vue sur le bassin central. J'avais commencé à pomper maladroitement, un extrait de Souveraineté du vide - lettre d'or de Bobin, puis j'ai arraché brusquement la feuille de mon carnet Moleskine. Les navigateurs en chambre étaient en train de déployer les voiles de leur maquettes malgré le peu de vent ce jour-là Le contact froid et un peu mouillé de la chaise métallique a stimulé mon inspiration et j' ai écrit d'une seule traite, une lettre d'amour, en fait qui parlait de tout sauf vraiment d'amour. Je n'ai jamais su si elle avait apprécié, si des larmes sont apparues au coin de son œil en achevant sa lecture. Peut être qu'elle avait dévoilé le mot devant ses copines à la pause café, en s'esclaffant. A la lumière rose des bougies, j'aperçois des rides naissantes qui ornent ses yeux rieurs. Je me dis que j'aurais bien voulu les accompagner pendant leur apparition. Les caresser. Les embrasser. Trouver le sommeil et m'endormir auprès d'elles. Elle m'explique qu'à présent, elle occupe un poste d'anesthésiste réanimateur à la Salpétrière et me fait part de sa passion première, la photographie, avec engouement. Je n'ose pas lui dire que de mon côté, j'ai abandonné mes études sur un coup de tête. Au cours de la cinquième année, je me suis réveillé, un gout acre dans la bouche et les yeux mouillés et j'ai expliqué le matin même ma décision au chef du service clinique, éberlué. Ne plus se reconnaître. Se sentir se perdre face à la douleur des patients, le chagrin de la famille, devoir se protéger du malheur, la peur de ne plus avoir de sentiments, de devenir une machine glaciale à soigner. J'ai préféré vivre dans la peau d'un martien avec un semblant d'humanité. Le tintement de la cloche nous indique de changer de table. On se serre la main. Au moment de partir, elle me dit alors 'je te remercie Jimmy pour ce moment, merci encore pour tout'. Bref, j'ai fait un speed dating

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