Le chien était à la chaine quand Jean est entré dans cette cour de ferme, pour demander un renseignement.
En entendant claquer la portière du fourgon, un homme est sorti de la grange une fourche à la main. Aussitôt, le chien, la queue entre les pattes arrière s'est mis à aboyé... L'homme, sans rien dire lui a asséné un grand coup du manche de sa fourche... En hurlant de douleur le chien est allé se blottir contre le mur, aussi loin que la chaine lui permettait.
- Ça va pas ! s'est écrié Jean, on ne frappe pas un chien à la chaine, c'est de la cruauté, et puis il ne faisait pas de mal, il faisait la garde.
- Il ne fait pas la garde, il aboie chaque fois qu'il me voit.
- Dans ce cas, Monsieur, ce chien est maltraité et c'est grave, très grave.
- Oh ! si vous le voulez, vous pouvez l'emmener, il ne vaut pas un clou...
- de toute façon, je n'avais pas l'intention de vous laisser continuer à le battre, pas de problème, je le prend, dit Jean, en détachant la bête et le faisant monter dans son fourgon.
Ainsi, Jean est reparti sans son renseignement, mais avec un jeune chien croisé griffon et autre... Par la suite, Jean disait croisé "Griffon - Réverbère".
Quand Jean est arrivé à la maison en compagnie de son nouveau compagnon, ses frères écoutaient religieusement sur un 33tours de Weather Report, un solo de basse fretless par Jaco Pastorius.
Bien que fans du grand Jaco, les frangins se sont intéressés à ce cabot au poil gris hirsute, haut sur pattes mais avec une gueule tellement sympa et un regard doux, si doux qu'aussitôt toute la tribu a craqué.
Après avoir raconté l'aventure du chien, Jean et ses frères lui ont cherché un nom, et aucun dans les Médor ou Miro ou autres ne leur convenant... Il fut décidé de le nommer Pastorius.
Pasto pour les intimes...
Ce chien n'était pas ingrat, et adorait son nouveau maître qu'il suivait partout, et même dans ses tournées de représentant dans l'Est de la France. Assis à la place du passager dans le fourgon, Pastorius était heureux et pendant de grands moments, quittant la route des yeux, il regardait son maître, lui faisant les yeux doux.
Jean partait le lundi matin vers quatre heures pour visiter ses premiers clients dès le début de la matinée...
Il avait pour habitude de s'arrêter au col du Berthiand dans l'Ain pour donner à boire et nourrir Pasto, et pendant que le chien faisait un petit tour hygiénique, Jean allait boire son premier café à l'auberge du col. Un coup de klaxon, et Pasto était là pour continuer leur route.
Un jour pourtant, tout le petit rite du lundi matin effectué, malgré le coup de klaxon, le sifflet de son maître, et re-coup de klaxon, le temps passant et Pasto n'étant pas là, il a fallut reprendre la route,... sans avoir au préalable laissé le stock de saucissons pour chien et une cuvette pleine d'eau au pied du bosquet où Pasto levait la patte quand il sortait du fourgon...
Jean avait le cur gros de laisser son Pasto là, mais travail et exactitude obligent...
Son chien lui manquait le soir surtout, après sa journée de travail, comme quand avant de rentrer à son hôtel tous les deux faisaient une petite promenade digestive... et que Pasto lui, dormait dans le fourgon...
Il se demandait où était son chien,... Peut-être avait-il cédé aux charmes d'une belle louloute, et là il n'y avait pas de mal,... mais peut-être aussi était-il tombé sur une de ces boulettes empoisonnées destinées aux renards ? C'était horrible de ne pas savoir...
Le vendredi après le repas de midi, sa clientèle visitée, Jean repris la route en direction de la maison... Il écoutait en boucle la cassette de Weather Report et revivait ce moment où il avait sauvé ce clébard des coups de ce paysan cinglé... c'était il y avait quelques années déjà.
c'était trop con...
En repassant le Berthiand, il a décidé d'aller prendre un café à l'auberge pour voir si il pourrait avoir des nouvelles de son chien...
En garant son camion près du bosquet favori de Pasto, le chien était là, assis à côté de sa cuvette vide, la langue pendante, assoiffé, amaigri mais bien vivant...
Et tous les deux tellement heureux de se retrouver...
Pasto a avalé une pleine cuvette d'eau fraîche avant de reprendre sa place sur le siège passager...
Sur la route du retour, il n'a pas cessé de regarder Jean, lui faisant les yeux doux, comme pour lui dire, reconnaissant: "je savais que tu me retrouverais".
A partir de ce jour, point n'était besoin de siffler ou de klaxonner Pasto, le simple bruit de l'ouverture de la portière du camion suffisait à le faire rappliquer... Il avait tellement peur que Jean reparte sans lui...
On dit que le chien est fidèle, c'est vrai, mais dans ce cas précis, l'homme aussi... et cette fidélité réciproque a durée plus de quinze ans...
Capucine7434 - 08/10/2012
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