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pendant trois mois par Sois toi

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Bien sûr, il l’avait quelquefois trompée, il s’emportait souvent en réponse à une question anodine qu’elle posait, et surtout, elle ne l’émouvait pas, ses demandes d’amour l’excédaient même , pensait Rocky en se rasant. Et quand elle pleurait, il claquait la porte. Elle supportait tout, en supposant qu’elle vivait une grande passion. Une passion dévorante, déchirante. Et déchirée, oui, elle l’était, mais consentante aussi. Car il savait, en prenant son temps, l’attirer de nouveau, la subjuguer et la laisser folle de lui. Il la prenait très doucement dans ses bras et sans prendre au sérieux son chagrin bafoué, il l’appelait sa biche en lui susurrant à l’oreille qu’elle était sa beauté à lui, avec le génie de l’enfance, celui des douleurs et des pudeurs, et qu’il voulait qu’elle soit à lui entière et offerte. Elle s’offrait alors avec élan et il jouait sur ses sentiments comme si elle était un violon. Quand il voyait qu’il était allé trop loin, il lui vrillait dans la tête combien il l’adorait, il lui chantonnait à l’oreille ce qu’il ferait pour elle, il lui murmurait des mélopées d’amour enchanteresses, il la regardait de ses yeux noirs où il ajoutait du velours. Elle était son violon. Il tirait d’elle les notes qu’il voulait : graves dans le don de soi, aigues quand elle devait accepter ses conditions, légères quand elle se sentait convoitée par lui. Peu après, cependant, Rocky partit. Il avait besoin d’aventure. Il partit sans rien expliquer, un beau matin. Dans le silence de sa maison désertée, Lina écrivit une lettre : « Un an après, j’y pense encore : je n’avais rien compris, je m’en voulais, je t’en voulais, je n’avais rien vu venir, et toutes les suppositions me venaient l’une après l’autre, pour expliquer une rupture en forme de répudiation, un couperet qui mit fin à trois mois qui auraient dû durer encore, et qui se termina, au petit déjeuner, alors que nous venions de faire l’amour. Toutes les suppositions me montaient à la tête, pour faire cesser cette torture de la solitude imposée. Tu avais vu mes rides, tu avais entendu un bruit, tu m’avais trouvée banale après tout, un je ne sais quoi t’inspirait de la répugnance, tu avais honte de moi. Tu avais peur. ? Peur de me sentir trop attachée à toi ? Peur de t’attacher à ton tour ? Je supposais tout, je supputais les probabilités, mon esprit retournait mille fois au moment où tu m’avais dit « je préfère être seul, c’est tout » Ces suppositions ne m’aidaient pas, elles ne faisaient qu’attiser la souffrance dans mon corps, et je retournais inévitablement, après errance de la pensée, à la case départ : je n’avais rien compris. Comprends-t-on la mort ? Non, eh bien , c’est un peu ça que je vivais, une incapacité à comprendre, incapacité qui fait souffrir. Voilà la raison de mon tourment. » Lui, malgré ses jeux de séduction, n’avait cessé de reculer depuis qu’il la connaissait. L’adulation qu’elle lui portait se répandait comme une flaque autour d’elle et creusait une distance chaque jour plus grande entre eux. Il lui devenait insupportable qu’elle ne s’en aperçut pas. L’inconscience de cette femme qui croyait vivre un roman l’agaçait. Mais plus encore, elle lui révélait son incapacité à lui de s’attendrir et il ne pouvait le lui pardonner. La patience angélique de Lina s’étalait comme un miroir où se reflétait le caractère violent qui faisait déjà pleurer la mère de Rocky. Son cœur de pierre, qui ne bat ni ne s’émeut. Elle continua sa lettre : »Je sais que je ne te verrai sans doute jamais plus, mais il reste cet amour que décidément je ne parviens pas à oublier, et qui continue, étrangement, à me remplir. Je t’imagine, ayant fait l’amour avec plusieurs autres femmes, m’ayant oubliée depuis longtemps, n’y pensant plus depuis le jour même où tu m’as quittée, et je suis là, à repenser à des mots que je ne parviens pas à effacer, et à la dimension que la terre avait prise puisque tu m’aimais. Le monde se colorait dès le matin, je jubilais, je t’écoutais, j’étais heureuse, l’amour recouvrait d’un voile rose les choses et les gens. Je me sentais au centre de l’univers, je me sentais une reine, je me sentais tienne. Je partais en flammes me promener le long de la plage, d’un pas planant et le sourire sur le visage. Le corps en feu, je marchais le long du bleu, et la splendeur de la nature manifestaient au dehors ce que j’éprouvais au-dedans. Tu croirais que je suis folle si tu lisais cette lettre. Que je ne t’enverrai pas. » Cette histoire avait laissé Rocky perplexe, et il se tenait pour responsable de sa froideur. Il en comprenait maintenant, après tant de mois, le pourquoi : il avait brisé un faux miroir. Peut-être n’ai-je pas changé, pas trahi, pas abandonné, se disait-il . J’ai seulement stoppé une relation minée par un chantage souterrain. Lina avait rêvé une histoire parfaite mais n’avait pas vraiment vu l’objet de son amour. Elle avait essayé à force de chantage de l’englober dans un point de vue affectif centré sur elle : « aimes-moi, mais à la condition que tu acceptes que ma mère m’envahisse » Il en avait vraiment assez d’être quatre à faire l'amour dans un même lit. Il s’enfuit de cette guêpière le premier. Il alla surfer avec les crocodiles.

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