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Hommage au Cercle par Pomi1912

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Faut il avoir une foi? Alors j'en ai une ! Dois je croire en un destin ? Alors ce destin est mien ! C'était notre serment. Nous étions un cercle uni, soudé. Nous avions reproduit Le Cercle, celui des poètes disparus. Chacun d'entre nous avait été touché par le film. L'un par le professeur, l'autre par les poèmes, l'un encore par la charmante demoiselle... Mais nous avions tous une raison d'être ici. Nous nous inventions des avenirs plein de promesses, des moments de gloire, des études, de l'argent... Il était tard, nous étions en plein forêt à revivre notre vie d'ados et vivre notre future vie d'adultes ! Bien des années après, par hasard, je me suis retrouvé au même endroit. Je pensais que ce coin du bois avait été détruit pour en faire une route, un lotissement, que sais-je encore... Mais non. Il était presque comme je l'avais quitté. Bien sûr la végétation avait évolué avec le temps. La magie, pourtant, elle, n'a pas bougé. Je l'ai senti de suite en franchissant un dernier buisson. J'ai reconnu la clairière et j'ai entendu nos voix d'enfants. J'ai reconnu l'arbre sur lequel, chacun notre tour, nous avions écrit le prénom de l'un d'entre nous en signe de fraternité. J'ai aussi reconnu l'arbre contre lequel j'ai éprouvé mon premier frisson, contre lequel j'ai embrassé pour la première fois une fille. C'est fou comme le hasard ou le destin est joueur. J'avais, dans ce cercle d'initié, la mission de déclamer les poèmes. Parfois, il m'arrivait de m'essayer péniblement à en écrire un. En tout cas, j'apprenais à coup sûr à aimer les mots. Cette ambiance particulière, ce secret qui nous habitait m'a donné une grande perception du poids des émotions et des mots qui les décrivent. Les lampes que chacun apportait représentaient les feux de joie de se retrouver ainsi dans notre antre. Nous étions un univers à nous seuls et parfois pour célébrer une occasion particulière l'un d'entre nous venait avec une bouteille d'alcool !! Oui le mot est lâché ! De l'alcool circulait parmi nous... Généralement, c'était une canette de bière à partager en cinq. Seul le goût nous donnait un air adulte car nous attendions tous la sensation de la beuverie que les grands décrivaient mais qui chez nous n'arrivait jamais... et pour cause. Aujourd'hui, je reviens ici avec sous le bras mon dernier ouvrage. Finalement, ce ballet des mots a provoqué en moi une passion de l'écriture. Balbutier comme je le faisais alors avec mes vers innocents aurait pu me lasser ou pire me dégoûter. Au fond de moi, plutôt, le virus a germé. Les lignes se sont mises à danser dans ma tête avec le temps, insidieusement. Nous nous sommes apprivoisés à mesure que je grandissais. Elles m'ont paru de plus en plus familières et bientôt amicales. Elles sont même devenues mes meilleures défenderesses quant il s'est agi de rencontrer des femmes. Je n'ai jamais été très à l'aise avec le genre féminin dès lors qu'il s'agissait de l'affronter en face à face. Ce type de duel, je le perdais à chaque fois. Les autres parlaient plus haut, plus fort, se pavanaient. Moi, je ne pouvais que baragouiner au mieux. Mais dès lors que je pouvais débuter une rencontre par un mot, une lettre, un poème, le monde s'ouvrait à moi. Je pouvais leur dire qui j'étais réellement, quel être se cachait derrière cette gêne, cette gaucherie. C'est comme cela que j'ai trouvé celle qui allait devenir ma femme... Hum ! Que c'est bon d'être ici, seul. Lorsque je ferme les yeux, je revois tous les visages, les uns après les autres. Qu'êtes vous devenus ? Nous nous sommes égarés sur le chemin de la vie. L'un a déménagé très vite après notre cercle et les autres ont suivi leur voie. Nous avons échangé un moment mais le temps a fait son oeuvre ou peut-être les tracas du quotidien... Ils ont disparu mais à cet instant, ils sont bien présents. J'entends leur voix, je vois leur figure, leurs vêtements, leurs manies. Je sens un flot de jeunesse m'envahir avec des rires, des rêves, des chamailleries aussi. Je ne sais pas si l'un d'entre est jamais revenu ici avant moi. J'aimerai que les arbres autour, qui ont bien vieilli eux aussi, me parlent. Qu'ils me disent que je ne suis pas le seul à avoir une petite pointe de nostalgie, que ça leur manque. En tout cas, je ne vois aucune trace d'un passage. Aucun de nos bouts d'écorce n'a été sculpté récemment. Nos noms sont à peine visibles maintenant. Là encore le temps a passé. Je m'installe au centre. Avant, il y avait une souche qui a disparu maintenant. Je jette un regard circulaire à mon ancien théâtre de la vie. Que le décor était magnifique ! Je m'imprègne de l'odeur de sous-bois. Je photographie scrupuleusement avec mes yeux toute la scène en détail pour la graver dans ma mémoire. Je respire profondément pour trouver un calme serein... Petit, tu peux être fier de ce que tu es devenu. Tu as eu la foi et tu t'es créé un destin à la hauteur des rêves secrets qui t'habitaient. Un sourire se dessine sur mes lèvres. Je suis juste heureux de rendre hommage à mes camarades, mes inspirations. Et alors qu'une larme de bonheur coule sur ma joue, je me baisse pour creuser un trou dans le sol. Ce livre, sous mon bras, mon livre, s'est inspiré de notre histoire. Alors pour que ce lieu en garde la mémoire et en remerciement de tout ce que j'ai appris ici, je l'enterre... Je dois encore faire une dernière chose avant de partir. Je veux qu'ils sachent, si un jour ils reviennent, que je suis passé ici et que j'ai pensé à eux. Je m'approche de l'arbre qui nous était le plus cher et avec mon petit canif, comme avant, je grave mon message. « Mes amis du Cercle, ici, je suis passé et j'ai pensé à vous. Que votre vie soit belle comme elle l'est pour moi grâce à vous ! Signé M. »

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