" Vous êtes des Dieux, des fils du Très-Haut [...]. Vous tous pourtant vous mourrez comme des hommes. "
Ainsi débute le dernier film de Xavier Beauvois « Des Hommes et des Dieux », en hommage aux 7 moines cisterciens de Tibhirine enlevés et assassinés en 1996 dans une Algérie livrée au chaos et où règne l'état d'urgence.
Avec sensibilité, sobriété et justesse, le réalisateur de « Noublie pas que tu vas mourir », nous livre une uvre métaphysique lente et inspirée, et rarement un drame aussi poignant aura trouvé pour le raconter, pour en restituer tout l'effroi, et toute l'incohérence, une écriture aussi légère, une ardeur et une intelligence aussi franches et un talent aussi enthousiaste.
Privilégiant une mise en scène épurée à lextrême, Xavier Beauvois à choisi, avec justesse, de nous faire partager le quotidien de ces Hommes de foi avant le drame, les nombreux rituels religieux qui égrènent leurs journées, ainsi que leurs dévouements sincères envers la population locale et pour finir, leur détermination sans faille face au danger qui menace et qui nous fera ressentir leur sacrifice que plus injuste!
Des sublimes et apaisants silences qui succèdent aux chants liturgiques vibrants dune Foi commune, la caméra du réalisateur capte avec subtilité lintimité de ces hommes de Dieu, pour mieux nous faire comprendre leur Foi, leur discipline, leur questionnement aussi.
Mais ce film nest pas un huit-clos pour autant ! Sublimées par le travail sur la photographie, les paysages environnants frappent dinstinct par leur abondance et leur éclat, offrant un contraste saisissant avec la simplicité et la pauvreté extrême du monastère, conférant ainsi, une portée spirituelle étonnante au film et une habile tension face à la montée progressive du drame qui couve, et lécoulement paisible du temps est rattrapé et perturbé par le tumulte du monde et de lhistoire, ses fractures politiques, idéologiques et religieuses nous emmenant en douceur au plus profond du mystère d'un sacrifice consenti, nous enchaînant en totale symbiose à ce petit groupe de moines chrétiens tellement chez eux en terre musulmane.
Le film, qui se clôt très judicieusement au moment de l'enlèvement - dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 -, ne dévoile rien sur les vrais responsables (lenquête judiciaire étant toujours en cours...), mais il ressuscite, de manière forte, lépreuve de la Foi et de sa mise à l'épreuve face aux armes, à l'intolérance terroriste et à la mort de ces religieux qui auront cru, jusqu'au bout, à une paix possible entre chrétiens et musulmans. Ce nest pas dIslam ni de Christianisme ou de toute autre religion dont il sagit ici, mais de la Croyance qui existe dans le cur des Hommes, celle qui pousse une personne à avoir le courage de ses actions et de ses combats pour suivre en toute conscience la voie de ses convictions les plus profondes, celles de toute une vie...jusquau bout !
Que reste-il aujourdhui dans la mémoire collective, du sacrifice de cette petite poignée dHomme de Foi et de ce crime odieux aussi embrumé quimpuni ?
Comme le dit si bien Frère Luc dans le film : " Les hommes ne font jamais le mal si complètement et joyeusement que lorsqu'ils le font par conviction religieuse. " Il ne faut donc pas que le sacrifice de ces moines nait servi à rien ! Ce film digne et lumineux est à leur image. Une image despérance et de paix, de tolérance et damour pour son prochain dans un monde de plus en plus déboussolé !
Que lon soit croyant ou non, "Des hommes et des dieux" impose à tous son message dhumanité et sa grâce.
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